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LIVRE CINQUIÈME.


quand l’œil pour ne rien voir des autres objets, ferme ses paupières et tire de lui-même sa lumière, ou que, pressé par la main, il aperçoit la lumière qu’il a en lui. Alors, sans rien voir d’extérieur, il voit, il voit même plus qu’à tout autre moment : car il voit la lumière[1]. Les autres objets qu’il voyait auparavant, tout en étant lumineux, n’étaient pas la lumière même. De même, quand l’intelligence ferme l’œil en quelque sorte aux autres objets, qu’elle se concentre en elle-même, en ne voyant rien, elle voit non une lumière étrangère qui brille dans des formes étrangères, mais sa propre lumière qui tout à coup rayonne intérieurement d’une pure clarté.

VIII. Quand l’intelligence aperçoit ainsi cette lumière divine, on ne sait d’où vient cette lumière, si c’est du dedans ou du dehors ; quand elle a cessé de briller, on croit tour à tour qu’elle vient du dedans et qu’elle n’en vient pas. Mais il est inutile de chercher d’où vient cette lumière : on ne peut élever sur elle aucune question de lieu. En effet, elle ne saurait ni s’éloigner, ni s’approcher de nous ; elle nous apparaît seulement ou nous reste cachée. Il ne faut donc pas la chercher, mais attendre en repos qu’elle nous apparaisse, et nous préparer à la contempler, de même que l’œil attend le lever du soleil qui apparaît au-dessus de l’horizon, ou qui s’élance de l’Océan, comme le disent les poëtes. D’où s’élève Celui dont notre soleil est l’image ? Au-dessus de quel horizon doit-il apparaître pour nous éclairer ? Il faut qu’il apparaisse au-dessus de l’intelligence qui contemple. Ainsi, l’intelligence doit rester immobile dans la contemplation, concentrée et absorbée dans le spectacle

  1. Le P. Thomassin cite ce passage en ces termes : « Si solaris luminis beneficio opus est at relique inspiciantur, quanto magis ipse sine seipso non cernitur ? Quin reliqua tantum illuminat, ut fruendæ luci oculus insuescat et ad ipsum fontem lucis tandem imendum pelliciatur et præparetur. » (Dogmata theologica, t. I, p. 325.)