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AVERTISSEMENT.


rendre dans un langage intelligible pour le lecteur français la pensée d’un auteur jusqu’ici réputé intraduisible ; il fallait encore, afin de remplir dans son entier la tâche que nous nous étions imposée, offrir au lecteur tous les secours qui pouvaient faciliter l’intelligence des Ennéades ; il fallait en outre rechercher dans les écrits ou les doctrines des philosophes qui ont précédé Plotin les matériaux si divers dont a été formé cet édifice complexe qu’on appelle l’éclectisme alexandrin, puis suivre ce système dans son développement, en rechercher la trace ou en signaler l’influence dans les âges postérieurs.

Cette triple tâche de traduction, d’élucidation et d’investigations historiques, nous l’avons poursuivie dans ce nouveau volume, avec le même soin que dans les précédents et avec une expérience plus grande peut-être, mais aussi en rencontrant des difficultés croissantes. En effet, tandis que les questions traitées dans la IIIe et la IVe Ennéade, celle de la Providence et du Destin, du Temps et de l’Éternité, de l’essence de l’Âme, de ses rapports avec le corps, de son immortalité, sont des questions communes à toutes les philosophies, débattues de tout temps, et pour cette raison plus faciles à traiter avec clarté, celles qui remplissent la Ve et la VIe Ennéade sont plus particulièrement propres au Néoplatonisme, et, quoique vieilles de plus de quinze siècles, elles sont encore presque entièrement neuves pour notre âge. Il s’agit ici en effet des trois hypostases divines, c’est-à-dire de la trinité néoplatonicienne, des rapports que ces hypostases ont entre elles et avec le monde, de la manière dont elles procèdent les unes des autres et dont elles engendrent tout ce qui existe ; il s’agit du monde intelligible, c’est-à-dire des idées, des rapports que ces idées ont avec les êtres réels et avec les individus ; il s’agit des genres de l’être, qui sont, au sens platonicien, les éléments essentiels des substances ; il s’agit du Bien en soi, de l’Un absolu, c’est-à-dire de Dieu envisagé dans ce qui constitue son essence la plus intime ; il s’agit enfin de la communication des âmes avec Dieu, des moyens de s’unir à lui, en un mot de la vision de Dieu, le but le plus élevé et le degré suprême de la béatitude pour les philosophes néoplatoniciens.

La simple traduction de tels livres offrait déjà, on le conçoit, plus de difficulté que celle d’aucun des livres précédents : la plupart des doctrines exposées ici étant, comme nous l’avons dit, propres aux Néoplatoniciens, nous marchions sur un terrain tout nouveau et les termes nous manquaient presque pour rendre des idées si éloignées des nôtres. On jugera si, malgré ces obstacles, nous avons réussi à faire comprendre notre auteur, et si, dans la traduction,