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LIVRE SIXIÈME.

LE PRINCIPE SUPÉRIEUR À L’ÊTRE NE PENSE PAS. QUEL EST LE PREMIER PRINCIPE PENSANT ? QUEL EST LE SECOND ?

I. On peut ou penser un autre objet ou se penser soi-même. Ce qui se pense soi-même tombe moins dans la dualité [inhérente à la pensée]. Ce qui pense un autre objet approche moins de l’identité : car, s’il a en lui-même ce qu’il contemple, il en diffère néanmoins [par son essence]. Au contraire, le principe qui se pense lui-même n’est pas séparé par son essence de l’objet pensé : il se contemple lui-même parce qu’il est intimement uni à lui-même ; le sujet pensant et l’objet pensé ne font en lui qu’un seul être[1]. Il pense d’une manière supérieure, parce qu’il possède ce qu’il pense ; il occupe enfin le premier rang comme principe pensant, parce que le principe pensant doit être à la fois unité et dualité. S’il n’était pas unité, il penserait un objet autre que lui-même ; il ne serait plus le premier principe pensant. En effet, ce qui pense un objet autre que soi-même ne saurait être le premier principe pensant, puisqu’il ne pense pas comme appartenant à son essence l’objet de sa pensée, et que, par conséquent, il ne se pense pas soi-même. Si le principe pensant possède au contraire comme appartenant à son essence l’objet de sa pensée, alors les deux termes de la pensée [l’objet et le sujet] ne

  1. Voy. ci-dessus, liv. III, § 5-6, p. 39-42.