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LIVRE SIXIÈME.


En effet, ce qui est identique dans les choses autres que l’Un est sans doute semblable à l’Un, mais n’est pas l’Un. L’Un doit exister seul en lui-même pour être saisi dans les autres choses, à moins qu’on ne prétende que son essence consiste à subsister avec les autres choses. Dans cette hypothèse, il n’existera ni aucune chose absolument simple, ni aucune chose composée : il n’existera aucune chose absolument simple, puisque ce qui est simple ne saurait subsister par lui-même ; il n’existera non plus aucune chose composée, puisqu’il n’existera rien de simple. Car, si nulle chose simple ne possède l’existence, s’il n’y a pas une unité simple, subsistant par elle-même, qui puisse servir de soutien au composé, si nulle de ces choses n’est capable d’exister par elle-même, ni, à plus forte raison, de se communiquer à d’autres, puisqu’elle n’existe pas, il en résulte que ce qui est composé de toutes ces choses ne saurait non plus exister, puisqu’il aurait pour éléments des choses qui ne sont pas, qui ne sont absolument rien. Donc, si l’on admet que le multiple existe, il faut admettre aussi que l’Un existe antérieurement au multiple. Or, puisque ce qui pense est multiple, le principe qui n’est pas multiple doit ne pas penser ; mais ce principe, c’est le Premier ; par conséquent, l’Intelligence et la pensée sont des choses postérieures au Premier.

IV. Comme le Bien doit être simple et se suffire à lui-même, il n’a pas besoin de penser ; ce dont il n’a pas besoin ne saurait se trouver en lui, puisque rien [qui soit différent de lui] ne se trouve en lui ; par conséquent, la pensée ne se trouve pas en lui [parce qu’il est essentiellement simple][1]. D’ailleurs, autre chose est le Bien, autre chose l’Intelligence ; l’Intelligence prend la forme du Bien en le pensant. En outre, lorsque dans deux objets l’unité se trouve jointe à une chose autre qu’elle-même, il n’est pas possible

  1. Voy. ci-dessus, liv. V, § 13, p. 91.