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CINQUIÈME ENNÉADE.


un nombre infini dans le monde intelligible : car la multitude [des raisons séminales] est contenue dans un principe indivisible [l’Âme], et arrive à l’existence par son action[1].

II. On dira peut-être : la manière dont s’unissent dans l’acte de la génération la raison séminale du mâle et celle de la femelle rendent compte de la diversité des individus ; il n’est pas besoin d’admettre que chacun d’eux ait sa raison séminale. Le principe générateur, le mâle, par exemple, n’engendrera pas d’après des raisons séminales diverses, mais d’après la sienne propre ou celle de son père. — Rien n’empêche qu’il n’engendre d’après des raisons différentes, puisqu’il les possède toutes ; seulement, il en est toujours qui sont plus disposées à agir. — Mais comment se fait-il que des mêmes parents naissent des individus qui diffèrent entre eux ? — Cette diversité, si elle n’est pas une simple apparence, tient à la manière dont les deux principes générateurs concourent à l’acte de la génération : tantôt c’est l’influence du mâle qui y prédomine, tantôt c’est l’influence de la femelle ; tantôt l’influence de chacun d’eux est égale ; en tout cas, la raison séminale est donnée tout entière et domine la matière fournie par l’un ou par l’autre principe générateur. — À quoi tient alors la différence des individus qui naissent dans des parties différentes[2] ? Provient-elle donc de ce que la raison séminale domine la matière à des degrés divers ? — Dans ce cas, tous les individus, sauf un, seraient des êtres contre-nature. [Or, il n’en est pas ainsi.] La variété des individus est un principe de beauté ; par suite, la forme n’est pas une ; il n’y a que la laideur qu’il faille rapporter à la prédominance de la matière. Dans le monde intelligible, les raisons séminales sont parfaites, et, pour être cachées, elles n’en sont pas moins données tout entières.

  1. Voy. Jamblique, De l’Âme, § X, dans notre tome II, p. 647.
  2. Voy. Aristote, De la Génération des animaux, IV, 2, et Sextus Empiricus, Contre les Mathématiciens, V, 102, p. 355.