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LIVRE SEPTIÈME.


Admettons que les raisons séminales des individus soient différentes. Pourquoi doit-il y en avoir autant qu’il y a d’individus qui arrivent à l’existence dans une période ? — Il est possible que des raisons identiques produisent des individus qui diffèrent par leur apparence extérieure. Nous avons déjà accordé que cela a lieu même quand les raisons séminales sont données tout entières. On demande si cela est possible en admettant que les mêmes raisons se développent. Nous répondrons que des choses absolument semblables peuvent se réaliser dans des périodes diverses ; mais, dans la même période, il n’y a rien d’absolument identique[1].

III. Mais comment les raisons séminales peuvent-elles être différentes dans la conception des jumeaux et dans l’acte de la génération tel qu’il se produit chez tant d’animaux qui mettent bas à la fois plusieurs petits[2] ? Ne faut-il pas admettre qu’il n’y a qu’une seule raison quand les individus sont semblables ? — Dans ce cas, il n’y aurait pas autant de raisons qu’il y a d’individus ; or, il est nécessaire d’en reconnaître autant qu’il y a d’individus qui diffèrent par des différences spécifiques et non par un simple défaut de forme. Rien n’empêche donc d’admettre qu’il existe des raisons différentes, même pour les petits d’animaux qui ne diffèrent pas, s’il s’en rencontre toutefois. L’artiste qui produit des œuvres semblables ne peut cependant leur imprimer cette ressemblance sans y introduire quelque différence qui provient du raisonnement ; il en résulte que chacune des œuvres qu’il exécute diffère des autres, parce qu’à la ressemblance il joint quelque différence. Dans la nature, où la différence ne provient pas du raisonnement, mais seulement de raisons [séminales] différentes, il faut qu’à la forme spécifique se joigne la différence [propre à l’individu]. Nous ne pouvons, il est vrai,

  1. C’est la doctrine de Leibnitz sur les indiscernables.
  2. Voy. Aristote, De la Génération des animaux, IV, 2.