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LIVRE HUITIÈME.


qui a de l’attrait pour nous, ce n’est pas en elle que réside la beauté[1]. C’est ce que démontre la beauté que nous trouvons dans les sciences, dans les vertus et en général dans les âmes, où elle brille d’un éclat plus vrai quand on y contemple et qu’on y admire la sagesse[2] : nous ne considérons pas alors le visage, qui peut être laid ; nous laissons de côté la forme du corps, pour ne nous attacher qu’à la beauté intérieure. Si, dans l’émotion que doit te causer ce spectacle, tu ne proclames pas qu’il est beau, et si, plongeant ton regard en toi-même, tu n’éprouves pas alors le charme qu’a la beauté[3], c’est en vain que, dans une pareille disposition, tu chercherais la beauté intelligible : car tu ne la chercherais qu’avec ce qui est impur et laid[4]. Voilà pourquoi les discours que nous tenons ici ne s’adressent pas à tous les hommes. Mais si tu as reconnu en toi la beauté, élève-toi à la réminiscence [de la beauté intelligible].

III. La raison de la beauté dans la nature est l’archétype de la beauté du corps ; elle a elle-même pour archétype la raison plus belle qui réside dans l’âme et dont elle provient[5]. Cette dernière brille du plus vif éclat dans l’âme vertueuse, quand elle s’y développe : car, en ornant l’âme et en lui faisant part d’une lumière qui provient elle-même d’une lumière supérieure encore, c’est-à-dire de la Beauté première, elle fait comprendre, par ce qu’elle est elle-même dans l’âme, ce qu’est la raison de la beauté qui lui est supérieure, raison qui n’est pas adventice ni placée dans une chose autre qu’elle-même, mais qui demeure en elle-même. Aussi n’est-ce pas simplement une raison, mais bien le principe créateur de la raison première, c’est-à-dire de la beauté de l’âme, laquelle joue à son

  1. Voy. Enn. I, liv. VI, § 2 ; t. I, p. 101.
  2. Voy. Enn. I, liv. VI, § 4 ; t. I, p. 104.
  3. Voy. Enn. I, liv. VI, § 9 ; t. I, p. 112.
  4. Voy. ibid. § 8, p. 110.
  5. Voy. ibid. § 2, p. 101, et la note.