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CINQUIÈME ENNÉADE.


égard le rôle de matière[1] ; c’est enfin l’Intelligence, qui est éternelle et immuable parce qu’elle n’est pas adventice.

Quelle image l’Intelligence donne-t-elle donc d’elle-même (car toute image que nous en donnerait autre chose qu’elle serait imparfaite) ? Cette image que l’Intelligence nous donne d’elle-même ne saurait être une image proprement dite ; elle doit être ce qu’est tel ou tel morceau d’or par rapport à l’or en général, dont il est un échantillon. Si l’or dont nous avons alors une perception n’est pas pur, nous devons le purifier soit par notre travail, soit par notre pensée, en remarquant que ce n’est pas l’or en général que nous avons sous les yeux, mais l’or en particulier, considéré dans une masse individuelle[2]. De même [dans l’étude qui nous occupe] nous devons prendre pour point de départ notre intelligence purifiée, ou, si tu veux, les dieux eux-mêmes, en considérant quelle sorte d’intelligence se trouve en eux : car tous sont vénérables et beaux et ont une beauté inestimable. À quoi doivent-ils leur perfection ? À l’intelligence, qui agit en eux avec assez de force pour les manifester. Ils ne la doivent pas en effet à la beauté de leur corps : car ce n’est pas en tant qu’ils ont un corps qu’ils sont des dieux[3] ; c’est donc à l’intelligence que les dieux doivent leur caractère. Or les dieux sont beaux ; ils ne sont pas tantôt sages, tantôt privés de sagesse ; ils possèdent la sagesse par une intelligence impassible, immuable, pure ; ils savent tout ; ils connaissent non les choses humaines, mais celles qui leur sont propres, les choses qui sont divines et toutes celles que contemple l’Intelligence[4].

  1. Voy. Enn. I, liv. VI, § 6, p. 108.
  2. Voy. ibid., § 5, p. 106.
  3. Voy. Enn. III, liv. V, § 6 ; t. II, p. 112.
  4. « La pensée des dieux, qui se nourrit d’intelligence et de science sans mélange, comme celle de toute âme qui doit remplir sa destinée, aime à voir l’essence dont elle était depuis longtemps séparée et se livre avec délices à la contemplation de la vérité, etc. » (Platon, Phèdre, trad. de M. Cousin, t. VI, p. 51.)