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CINQUIÈME ENNÉADE.


développaient[1], l’exprimaient discursivement, et énonçaient les causes pour lesquelles les choses sont ainsi faites, quand leur belle disposition excite l’admiration. Aussi admirera-t-on la sagesse des Égyptiens si l’on considère comment, ne possédant pas les causes des essences, elle a pu disposer cependant les choses de manière qu’elles soient conformes aux causes des essences.

Donc, si quelqu’un trouve que toutes choses sont bien telles qu’elles sont dans ce monde (vérité difficile, impossible peut-être à démontrer[2]), à plus forte raison il faut admettre, avant tout examen et toute discussion, que toutes choses sont bien telles qu’elles sont dans le monde intelligible. Appliquons à un grand exemple cette vérité qui s’applique à tout.

VII. Puisque nous admettons que l’univers procède d’un principe supérieur et qu’il possède une certaine perfection, ce principe a-t-il dû, avant de créer, réfléchir qu’il était nécessaire de former d’abord le globe et de le suspendre au milieu du monde, ensuite de produire l’eau et de la répandre à la surface de la terre, puis de faire successivement les autres choses qui sont contenues dans l’espace entre la terre et le ciel ? Enfin, n’a-t-il donné naissance à tous les animaux qu’après s’être représenté leurs formes, leurs organes et leurs parties extérieures ? Est-ce seulement après avoir conçu le plan du monde dans son ensemble et ses détails que le créateur a entrepris son œuvre ? Non, il n’a pu faire toutes ces considérations[3]. Comment y

  1. Il s’agit ici des caractères hiératiques, distincts à la fois des caractères hiéroglyphiques, dont Plotin a parlé dans la phrase précédente, et de l’écriture démotique. C’est avec les caractères hiératiques qu’étaient écrits les livres sacrés qui formaient les commentaires des hiéroglyphes. Voy. Creuzer, Religions de l’antiquité, trad. par Guigniaut, t. I, p. 857, note 2.
  2. C’est cependant ce que Plotin a tâché de faire dans les livres II et III de l’Ennéade III.
  3. Plotin paraît critiquer ici les idées des Gnostiques. Voy. Enn. II, liv. IX, § 12 ; t. I, p. 291. Voy. Enn. III, liv. II, § 1 ; t. II, p. 21.