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LIVRE HUITIÈME.


qu’elles ont été faites par une certaine sagesse ; mais ce ne sont pas des essences véritables, parce qu’elles ne possèdent pas en elles-mêmes de sagesse. Il ne faut donc pas admettre que les dieux, que les bienheureux habitants du monde intelligible s’occupent dans ce monde à étudier des démonstrations. Les choses qui y existent sont autant de belles formes (ϰαλὰ ἀγάλματα (kala agalmata)), telles qu’on en conçoit dans l’âme du sage : je n’entends pas des formes peintes, mais des formes substantielles (ὄντά (onta)). C’est pourquoi les anciens disaient que les idées sont des êtres et des essences[1].

VI. Les sages de l’Égypte me paraissent avoir fait preuve d’une science consommée ou d’un merveilleux instinct, quand, pour nous révéler leur sagesse, ils n’eurent point recours aux lettres qui expriment des mots et des propositions, qui représentent des sons et des énoncés, mais qu’ils figurèrent les objets par des hiéroglyphes (ἀγάλματα) et désignèrent symboliquement chacun d’eux par un emblème particulier dans leurs mystères ; ainsi, chaque hiéroglyphe constituait une espèce de science ou de sagesse, et mettait la chose sous les yeux d’une manière synthétique, sans conception discursive ni analyse ; ensuite, cette notion synthétique était reproduite par d’autres signes qui la

  1. Διὸ ϰαὶ τὰς ιδέας ὄντα ἔλεγον εἶναι οἱ παλαιοὶ ϰαὶ οὐσίας. (Dio kai tas ideas onta elegon einai hoi palaioi kai ousias). Voy. encore ci-après, p. 130 : « L’Intelligence, par cela même qu’elle est réellement, pense les êtres et les fait exister, etc. » Creuzer dit à ce sujet : « Vides hic Mentem sive Intellectum Plotino esse τὰ ὄντα (ta onta) ; nostro loco, eidem ideas. Quid quæris ? Plotino ideœ sunt nec in Mente, nec extra Mentem, sed sunt idem atque Mens ; estque simplicissima hæc notio, et quæ aliter definiri nequeat, nisi esse ideas, easdemque esse entia et essentias. Nec aliam Platonis ipsius sententiam judico fuisse. Quod argumento est falli eos qui Platonis inter idearum doctrinam et Plotinianam differentiam intercedere opinantur. Quid quod equidem profiteri non dubito, aliis quoque in doctrinis, aliquot in clariore luce collocatum iri Platonis decreta, si ipsius interpretes Plotino studiosius operam dare velint. »