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CINQUIÈME ENNÉADE.


quoique l’homme, dans son état actuel ici-bas, produise une forme autre que lui-même [c’est-à-dire un corps individuel] : en effet, en devenant un individu, l’homme a cessé d’être universel. Mais, en cessant d’être un individu, l’homme « plane dans la région éthérée, dit Platon, et gouverne le monde entier[1] . » Car, devenant universel, il administre l’univers.

Revenons à notre sujet. Tu peux sans doute dire pourquoi la terre est placée au milieu du monde, pourquoi elle a une forme sphérique[2], pourquoi l’équateur est incliné sur l’écliptique ; mais tu aurais tort de croire que l’Intelligence divine s’est proposé d’atteindre ces fins parce qu’elle les a jugées convenables ; si ces choses sont bien, c’est que l’Intelligence divine est ce qu’elle est. Son œuvre ressemble à la conclusion d’un syllogisme, qui serait fondé sur l’intuition des causes et dont les prémisses seraient retranchées. Dans l’Intelligence divine, rien n’est une conséquence, rien ne dépend d’une combinaison de moyens ; son plan est conçu indépendamment de telles considérations. Le raisonnement, la démonstration, la foi, sont des choses postérieures. Par cela seul que le principe existe, il détermine ici-bas l’existence et la nature des choses qui en dépendent. Si l’on a raison de dire qu’il ne faut pas chercher les causes d’un principe, c’est surtout quand on parle d’un principe qui est parfait, qui est à la fois principe et fin. Car ce qui est principe et fin tout à la fois est toutes choses à la fois, par conséquent ne laisse rien à désirer.

VIII. Ce principe est souverainement beau : il est beau tout entier, il l’est partout, en sorte qu’il n’y a pas une de ses parties qui soit dépourvue de beauté. Qui dira que

  1. Voy. le passage du Phèdre, auquel il est fait ici allusion, cité in extenso dans le tome II, p. 89, note 2.
  2. La sphéricité de la terre avait été admise par plusieurs philosophes de l’école de Socrate (Cléomède, Meteora, VIII, p. 40) et défendue par Ptolémée (Almageste, I, et Géographie I, 7, VII, 5).