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LIVRE HUITIÈME.


ce principe n’est pas beau ? Certes, ce ne saurait être que celui qui ne possède point le beau dans sa totalité, qui n’en a qu’une partie ou même n’en a rien. Si ce principe n’était pas souverainement beau, quelle autre chose jouirait de ce privilége ? car le principe supérieur [l’Un, qui est supérieur à l’Intelligence] est au-dessus de la beauté. Ce qui se présente le premier à nos regards, parce que c’est une forme et l’objet de la contemplation de l’Intelligence, voilà ce dont l’aspect est aimable[1].

C’est afin d’exprimer cette idée d’une manière frappante pour nos esprits que Platon nous représente le Démiurge approuvant son œuvre[2], dans l’intention de nous faire admirer la beauté du modèle et de l’idée [τὸ τοῦ παραδείγματος ϰαὶ τῆς ἰδέας ϰάλλος (to tou paradeigmatos kai tês ideas kallos)). En effet, admirer une œuvre faite à la ressemblance d’un modèle, n’est-ce pas admirer le modèle lui-même ? Si l’on ignore qu’il en est ainsi, il n’y a pas lieu de s’en étonner : car les amants, et en général tous ceux qui admirent la beauté visible, ignorent qu’ils l’admirent à cause de la beauté intelligible [dont elle offre l’image][3]. Ce qui prouve que Platon rapporte au modèle l’admiration éprouvée par le Démiurge pour son œuvre, c’est qu’après avoir dit : « il admira son œuvre, » il ajoute : « il conçut le dessein de la rendre plus semblable encore à son modèle. » Il montre quelle est la beauté du modèle en disant que l’œuvre est belle et qu’elle est l’image du modèle : car, si ce modèle n’était pas souverainement beau, ne possédait pas une beauté ineffable, qu’y aurait-il de plus beau que ce

  1. Voy. Enn. I, liv. VI, § 9 ; t. I, p. 113.
  2. « Quand le mouvement et la vie de cette image produite des dieux éternels parut aux yeux du père qui l’avait engendrée, il admira son œuvre, et, plein de joie, il conçut le dessein de la rendre plus semblable encore à son modèle. » (Platon, Timée, p. 37, trad. de M. H. Martin, t. I, p. 101.)
  3. Voy. Enn. I, liv. III, § 2, liv. VI, § 8 ; t. I, p. 65 et 110. Ce passage de Plotin est cité et commenté par le P. Thomassin, Dogmata theologica, t. I, p. 168.