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LIVRE HUITIÈME.


En effet, ce Dieu unique ne perd rien de sa puissance par la naissance de tous les dieux qui sont en lui. Tous existent ensemble, et, si chacun d’eux est distinct des autres, il se tient à part sans occuper un lieu séparé, sans affecter une forme sensible ; sinon, l’un serait ici, l’autre là, chacun serait individuel sans être en même temps universel en soi. Ils n’ont pas non plus des parties qui diffèrent dans chacun d’eux ou qui diffèrent de chacun d’eux ; le tout que forme chacun d’eux n’est pas non plus une puissance divisée en une foule de parties, puissance qui aurait une grandeur mesurée par le nombre de ses parties. Pris dans son universalité, le monde intelligible possède une puissance universelle, qui pénètre tout dans son développement infini sans épuiser sa force infinie. Il est si grand que ses parties mêmes sont infinies. Y a-t-il un lieu où il ne pénètre pas ? Notre monde aussi est grand ; il renferme également toutes les puissances ; mais il serait bien meilleur, il aurait une grandeur qu’on ne saurait concevoir s’il ne renfermait aussi des puissances corporelles, qui sont essentiellement petites. En vain prétendra-t-on que le feu et les autres corps sont de grandes puissances : elles n’offrent qu’une image de l’infinité de la véritable puissance en brûlant, en écrasant, en détruisant, et en concourant à la génération des animaux ; elles ne détruisent que parce qu’elles sont elles-mêmes détruites ; elles ne concourent à la génération que parce qu’elles sont elles-mêmes engendrées.

La puissance qui réside dans le monde intelligible est purement essence, mais c’est une essence d’une parfaite beauté. Que deviendrait l’essence sans la beauté ? Que deviendrait aussi la beauté sans l’essence ? En anéantissant la beauté de l’essence, on anéantit l’essence même. L’essence est donc désirable parce qu’elle est identique à la beauté, et la beauté est aimable parce qu’elle est l’essence. Laquelle des deux est le principe de l’autre, nous