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CINQUIÈME ENNÉADE.


n’avons pas besoin de le chercher puisque toutes deux ont la même nature. L’essence mensongère [des corps] a besoin de recevoir l’image empruntée de la beauté pour paraître belle et en général pour exister ; elle n’existe qu’autant qu’elle participe à la beauté qui se trouve dans l’essence ; plus elle y participe, plus elle est parfaite : car elle s’approprie d’autant plus cette belle essence[1].

X. Voilà pourquoi Jupiter, le plus ancien des autres dieux, dont il est le chef, s’avance à leur tête à la contemplation du monde intelligible[2]. Il est suivi de ces dieux, des génies et des âmes qui peuvent soutenir l’éclat de ce spectacle. Ce monde divin répand la lumière sur tous d’un lieu invisible[3] ; en s’élevant au-dessus de son horizon sublime, il projette partout ses rayons, il inonde tout de sa clarté ; il éblouit ceux qui sont placés au bas du sommet où il brille, et, comme le soleil, il les oblige souvent à détourner leurs regards qui ne peuvent soutenir son éclat ; il fait lever les yeux aux uns, et leur donne la force de contempler ; il trouble ceux qui sont éloignés. En l’apercevant,

  1. Voy. Enn. I, liv. VIII, § 15 ; t. I, p. 139, fin.
  2. « Le chef suprême, Jupiter, s’avance le premier, conduisant son char ailé, ordonnant et gouvernant toutes choses. Après lui vient l’armée des dieux et des démons, divisée en onze tribus… Les âmes de ceux que nous avons appelés immortels, après s’être élevées jusqu’au plus haut du ciel, en franchissent le faîte, et vont se placer en dehors sur la partie convexe de sa voûte ; et tandis qu’elles s’y tiennent, le mouvement circulaire les emporte autour du ciel, dont elles contemplent pendant ce temps la forme extérieure. Le lieu qui est au-dessus du ciel, aucun de nos poëtes ne l’a encore célébré ; aucun ne le célébrera jamais dignement, etc. » (Platon, Phèdre, trad. de M. Cousin, t. VI, p. 50.)
  3. L’expression de lieu invisible rappelle celle de Platon : le lieu qui est au-dessus du ciel. Aussi Plotin est-il cité dans les commentaires auxquels ce passage de Platon a donné lieu. Proclus nomme notre auteur à ce sujet : « Théodore d’Asiné, suivant en cela Plotin, nomme voûte infra-céleste (ὑπουράνιος ἀψὶς (hupouranios apsis)) ce qui procède immédiatement du principe ineffable (τὸ προσεχῶς ἀπὸ τοῦ ἀῤῥήτου προελθόν (to prosechôs apo tou arrhêtou proelthon)),