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LIVRE HUITIÈME.


l’objet vu[1]. Or, quand il a vu, soit comme étant autre, soit comme identique, que nous annonce-t-il ? — Il nous affirme qu’il a vu Dieu engendrer un fils d’une admirable beauté, produire tout en lui-même, et conserver en lui-même ce qu’il a engendré sans douleur. En effet, charmé des choses qu’il a engendrées, et plein d’amour pour ses œuvres, Dieu les a retenues toutes en lui-même, se félicitant de leur splendeur ainsi que de la sienne propre. Au milieu de ces beautés, inférieures cependant à celles qui sont demeurées dans le sein de Dieu, seul de tous ces êtres, son fils [Jupiter[2]] s’est manifesté au dehors. D’après ce dernier fils on peut concevoir, comme on le ferait d’après une image, la grandeur de son père et celle des frères qui sont demeurés dans le sein du père. D’ailleurs, ce n’est pas en vain que Jupiter nous dit qu’il procède de son père : car il constitue un autre monde qui est devenu beau, parce qu’il est l’image de la beauté et qu’il est impossible que l’image de la beauté et de l’essence ne soit pas belle elle-même. Jupiter imite donc partout son archétype. Voilà pourquoi il possède la vie et constitue une essence, en sa qualité d’image ; voilà pourquoi il possède aussi la beauté, en tant qu’il procède de son père. Il a également le privilége d’être l’image de son éternité : sans cela, tantôt il offrirait l’image de son père, tantôt il ne l’offrirait pas, ce qui est impossible, puisqu’il n’est pas une image artificielle. Toute image naturelle reste en effet ce qu’elle est, tant que son archétype subsiste[3]. C’est donc une erreur de croire que, pendant que le monde intelligible subsiste, le

  1. Après ϰαὶ πῶς ὡς αὐτός (kai pôs hôs autos), les anciennes éditions portent πλὴν τοῦ ἰδών (plên tou idôn), mots qui ne donnent pas un sens satisfaisant. Creuzer, dans ses notes critiques, nous informe que ces mots ne se trouvent pas dans la plupart des manuscrits, et M. Kirchhoff les a supprimés : c’est pourquoi nous ne les avons pas rendus.
  2. Jupiter, fils de Saturne, représente ici l’Âme universelle née de l’Intelligence divine.
  3. Voy. ci-dessus, liv. I, § 6, p. 13-14.