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LIVRE PREMIER.


rang. Pour nous, nous avons à examiner si les nombres qui existent en eux-mêmes sont seulement des substances, ou s’ils sont aussi des quantités. Dans l’un et dans l’autre cas, il n’y a rien de commun entre les nombres dont nous parlons et ceux qui existent dans les choses par lesquelles ils sont participés[1].

V. Quant à la parole, au temps et au mouvement, quel rapport ont-ils avec la quantité ?

Considérons d’abord la parole. On la mesure[2]. À ce titre la parole est une quantité, mais ce n’est pas en tant qu’elle est parole : car son essence est de signifier quelque chose[3], comme le font le nom et le verbe. L’air est la matière de la parole, comme il l’est du nom et du verbe, qui composent le langage. La parole est principalement une impulsion imprimée à l’air, mais ce n’est pas une simple impulsion : étant articulée, elle façonne l’air en quelque sorte ; par conséquent. elle est un acte, mais un acte expressif. On pourrait raisonnablement dire que ce mouvement et cette impulsion sont une action, et que le mouvement qui suit est une modification, ou plutôt que le premier mouvement est une action d’une chose, et le second mouvement une modification d’une autre, ou bien que l’action se rapporte au sujet et que la modification est dans le sujet. Si la parole consistait, non dans l’impulsion, mais dans l’air, il y aurait alors deux choses et non plus une seule catégorie qui résulterait du caractère significatif de l’impulsion expressive.

Passons au temps[4]. S’il existe dans ce qui mesure, il faut examiner ce qui mesure : c’est sans doute l’âme ou l’instant présent. S’il existe dans ce qui est mesuré, il est une quantité en tant qu’il a telle quantité, qu’il est une année, par exemple ; mais, en tant qu’il est le temps, il a une autre

  1. Voy. ci-après le liv. VI.
  2. Voy. Aristote, Catégories, II, chap. VI, § 4.
  3. Voy. Aristote, Hermeneia, chap. IV.
  4. Pour la théorie d’Aristote sur le temps, Voy. Enn. III, liv. VII, § 8 ; t. II, p. 191-194.