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SIXIÈME ENNÉADE.


nomme qualité ce qui agit et ce qui pâtit, ainsi que la santé et la maladie, la disposition et l’habitude, la force et la faiblesse. S’il en est ainsi, la puissance n’est plus ce qu’il y a de commun dans ces qualités, mais il faudra chercher quelque autre chose qui possède ce caractère, et les qualités ne seront plus toutes des raisons. Comment en effet la maladie passée à l’état d’habitude serait-elle une raison ?

Appellerons-nous qualités les affections qui consistent dans des formes et des puissances, et leurs contraires, des privations[1] ? Alors il n’y aura plus un genre, mais nous rapporterons ces choses à une unité, à une catégorie : c’est ainsi que nous nommons la science une forme et une puissance, l’ignorance une privation et une impuissance. Faut-il regarder ainsi l’impuissance et la maladie comme une forme, parce que la maladie et le vice peuvent et font beaucoup de choses, mal, il est vrai ? Mais, comment manquer le but constitue-t-il une puissance ? C’est que chacune de ces choses fait ce qui lui est propre en ne tendant pas au bien : car elle ne saurait faire ce qui n’est pas en son pouvoir. La beauté a certainement quelque pouvoir. En est-il de même de la triangularité ? — En général, il ne faut pas faire consister la qualité dans le pouvoir, mais plutôt dans la disposition, et la considérer comme une espèce de forme et de caractère ; de cette manière, ce qu’il y a de commun dans les qualités, c’est cette forme, cette espèce, qui est sans doute inhérente à l’essence, mais qui vient après elle,

  1. Ce que Plotin dit ici se rapporte à la seconde espèce de qualité reconnue par Aristote : « On appelle certaines gens lutteurs, coureurs, non parce qu’ils sont en une certaine disposition, mais parce qu’ils ont la puissance physique de faire certains exercices. On appelle hommes sains ceux qui ont la puissance physique de ne pas souffrir aisément de tous les accidents fortuits ; et valétudinaires, ceux qui sont par constitution impuissants à ne pas souffrir aisément de tous ces accidents, etc. » (Catégories, II, ch. viii ; trad. fr., p. 96.)