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LIVRE PREMIER.


plutôt des actes et des raisons[1] ou des parties de raisons, qui font connaître la quiddité[2], quoiqu’elles semblent qualifier l’essence. Quant aux qualités qui méritent véritablement ce nom, qui qualifient les choses et que nous disons être en général des puissances (δυνάμεις (dunameis))[3], ce sont des raisons (λόγοι (logoi)) et des formes (μορφαί (morphai)), soit de l’âme, soit du corps, telles que la beauté et la laideur[4].

Comment les qualités sont-elles toutes des puissances[5] ? Que la beauté et la santé soient des qualités, on le voit sans peine. Mais la laideur et la maladie, la faiblesse et l’impuissance en général, comment sont-elles des qualités ? Est-ce parce qu’elles qualifient certaines choses ? Mais qui empêche que les choses qualifiées ne soient dites telles par homonymie et non d’après une raison unique ? Qui empêche encore qu’elles ne soient pas considérées seulement d’après un des quatre modes[6], mais encore d’après chacun des quatre, ou d’après deux tout au moins ? D’abord la qualité ne consiste pas à agir ou à pâtir[7] : de la sorte, c’est en se plaçant à des points de vue différents qu’on

  1. Voy. ibid. 9 § 2, p. 240, et la note 2 sur le sens du mot raison.
  2. Voy. ibid., § 1, p. 238 et la note 1.
  3. La définition que Plotin donne ici de la qualité est citée par Simplicius, Commentaire des Catégories, fol. 57, b.
  4. Voy. Enn. II, liv. VI, § 1 ; t. II, p. 241.
  5. La théorie exposée ici par Plotin est citée et discutée par Simplicius, Commentaire des Catégories, fol. 57, e.
  6. Voy. ci-dessus p. 167, note 3, les quatre genres de qualité reconnus par Aristote.
  7. Plotin fait ici allusion à la théorie qu’Aristote formule sur ce point dans sa Métaphysique (V, 14) : « On peut ramener les différents sens de qualité à deux principaux, dont l’un est par excellence le sens propre du mot. La qualité première est la différence dans l’essence… Dans la seconde espèce de qualités, au contraire, se rangent les modes des êtres en mouvement, et les différences des mouvements. La vertu, le vice, peuvent être considérés comme faisant partie de ces modes : car ils sont les différences de mouvement et d’action dans les êtres en mouvement qui font ou éprouvent le bien ou le mal, etc. »