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SIXIÈME ENNÉADE.


par l’effet de ce qui l’échauffe ou par l’effet de réchauffement même, il pâtit : car il y a deux manières de pâtir, l’une consiste à devenir pire, et l’autre à devenir meilleur ou du moins à ne pas s’altérer[1].

XXII. La cause qui fait pâtir un être, c’est qu’il a en lui l’espèce de mouvement appelé altération[2], mouvement par lequel il est modifié d’une manière quelconque ; agir au contraire, c’est avoir en soi un mouvement absolu qu’on tire de soi-même, ou bien un mouvement qui a son terme dans un autre être et son origine dans l’être qui agit. Il y a mouvement dans les deux cas : la différence qui distingue l’action de la passion, c’est que l’action, en tant qu’action, est impassible, tandis que la passion consiste à recevoir une disposition autre que celle dans laquelle on se trouvait antérieurement, sans que celui qui pâtit reçoive rien qui concoure à son essence, de telle sorte que lorsqu’une essence est engendrée, ce soit un autre être qui pâtisse[3]. Il en résulte que la même chose est une action dans un certain état, et une passion dans un autre : ainsi le même mouvement sera dans un être une action, parce qu’on le considère sous un certain point de vue, et dans un autre ce sera une passion, parce qu’il est dans telle disposition. L’action et la passion semblent donc être des relatifs si l’on considère l’action dans son rapport avec la passion, puisque la même chose est action dans l’un et passion dans l’autre, et que l’on ne considère pas chacune de ces deux choses en elle-même, mais seulement dans celui qui agit et celui qui pâtit, quand l’un meut et que l’autre est mû ; chacun des deux termes implique alors deux catégories : l’un donne le mouvement, l’autre le reçoit, par conséquent il y

  1. Ces idées sont citées et discutées par Simplicius, ibid., fol. 82, e, z.
  2. Le sens du mot altération est expliqué ci-après dans le livre III, § 21.
  3. Voy. ci-dessus, à la fin du § 21, l’exemple de la statue qui éclaircit cette pensée de Plotin.