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SOMMAIRES.


font entendre les mythes et les mystères dans ce qu’ils enseignent au sujet de Saturne, de Jupiter et de Rhéa.

Il y a donc trois hypostases divines, qui sont, dans leur ordre de perfection, l’Un, l’Intelligence, l’Âme : de toute éternité l’Un engendre l’Intelligence, et l’Intelligence engendre l’Âme, parce qu’aucune puissance parfaite ne saurait rester stérile.

(VIII-IX) Cette théorie des trois hypostases est conforme à la doctrine des anciens sages, de Parménide, d’Anaxagore, d’Héraclite et d’Empédocle. Platon indique nettement les trois principes dans plusieurs de ses écrits. Quant à Aristote, il méconnaît la distinction de l’Un et de l’Intelligence, et la théorie qu’il donne des moteurs intelligibles soulève plusieurs objections. Cette question de la nature des intelligibles est de la plus haute importance ; c’est pour cela que Pythagore et ses disciples s’en sont tous occupés.

(X-XI) Les trois principes n’existent pas seulement dans l’univers ; ils existent encore en nous, ils constituent en nous l’homme intérieur. En effet, notre âme est une essence immatérielle, et par là elle participe à l’Âme universelle. Ensuite, comme elle juge, comme elle raisonne, et qu’elle ne saurait raisonner sans avoir des principes immuables, il faut que nous ayons en nous l’Intelligence, parce que c’est d’elle que l’âme tire ces principes immuables. Enfin, comme nous ne saurions posséder en nous l’intelligence sans posséder également en nous sa cause, qui est l’Un, nous jouissons de la présence de l’Un, nous le touchons en quelque sorte par le fond le plus intime de notre être, et nous sommes édifiés en lui dès que nous nous tournons vers lui.

(XII) L’Un et l’Intelligence exercent toujours leur action sur nous ; mais il arrive souvent que leur action n’est point perçue parce que nous ne lui prêtons pas notre attention. Il faut donc fermer nos sens à tous les bruits qui les assiégent pour écouter les voix qui viennent d’en-haut.


LIVRE DEUXIÈME.
DE LA GÉNÉRATION ET DE L’ORDRE DES CHOSES QUI SONT APRÈS LE PREMIER.

(I) L’Un, étant souverainement parfait, a engendré l’Intelligence par la surabondance de sa puissance. Étant arrivée à sa plénitude par sa conversion vers l’Un, l’Intelligence, à son tour, a engendré l’Âme. L’Âme elle-même est arrivée à la plénitude en contemplant l’Intelligence, et elle a également engendré : ainsi d’elle est née la Nature.

(II) Il y a donc procession du premier au dernier : dans cette procession, chaque être est engendré par celui qui le précède, et engendre lui-même celui qui le suit, étant toujours distinct, mais non séparé de l’être générateur et de l’être engendré dans lequel il passe sans s’absorber. C’est ainsi que l’âme tantôt communique la vie au corps, tantôt remonte dans le sein de l’Âme universelle, qui réside elle-même dans l’Intelligence.