Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
SIXIÈME ENNÉADE.


jours dans le mouvement en vertu de la nature que nous lui reconnaissons[1], il serait encore plus absurde de ne pas lui attribuer la stabilité (ou le repos[2], στάσις (stasis)) que de lui refuser le mouvement. La notion et la conception de stabilité sont encore plus en harmonie avec la nature de l’être que ne le sont celles de mouvement : car c’est dans l’être qu’on trouve ce qu’on appelle rester dans le même état, exister de la même manière, être uniforme. Admettons donc que la stabilité est un genre différent du mouvement, dont elle paraît être l’opposé.

Que la stabilité soit également différente de l’être, c’est ce que prouvent mille raisons. D’abord, si elle est identique à l’être, pourquoi l’est-elle plutôt que le mouvement, qui est la vie, l’acte de l’essence et de l’être même ? Puisque nous avons séparé le mouvement d’avec l’être, que nous avons dit qu’il lui est identique et qu’en même temps il en diffère, que l’être et le mouvement sont sous un point de vue deux choses, et une seule sous un autre, nous devons aussi séparer [par la pensée] la stabilité d’avec l’être sans l’en séparer [dans l’existence] : en l’en séparant par la pensée, nous en ferons un genre distinct[3]. En effet, si nous confondions ensemble dans une unité parfaite la stabilité et l’être, si nous ne leur reconnaissions aucune différence,

  1. « Mais quoi, par Jupiter, nous persuadera-t-on si facilement que, dans la réalité, le mouvement, la vie, l’âme, l’intelligence, ne conviennent pas à l’être absolu ? que cet être ne vit ni ne pense, et qu’il demeure immobile, immuable, sans avoir part à l’auguste et sainte intelligence ?… Il faut donc accorder que le mouvement et ce qui est mû existent. Car, si tout est immobile, il ne peut y avoir aucune connaissance d’aucune chose. » (Platon, Sophiste ; trad. de M. Cousin, t. XI, p. 261-262.)
  2. Plotin établit plus loin une différence entre la stabilité et le repos proprement dit. Voy. ci-après le livre III, § 27.
  3. « Et pourtant, si nous reconnaissons que tout est livré à un perpétuel mouvement, nous retranchons du nombre des êtres, par le même raisonnement, cela même que nous venons d’établir… Penses-tu que sans stabilité il puisse y avoir rien