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LIVRE DEUXIÈME.


Nous répondrons alors que, de même qu’on n’a pas fait de l’être un genre des autres choses parce qu’elles n’étaient pas ce qu’est l’Être, mais qu’elles étaient appelées êtres dans un autre sens[1], de même ici l’un ne saurait être un attribut commun des autres choses, parce qu’il doit y avoir l’Un premier et l’un pris dans un autre sens. — Si l’on dit que l’on ne fait pas de l’un un genre de toutes choses, mais une chose qui existe en soi comme les autres, si ensuite on identifie l’un avec l’être ; alors, comme l’être a déjà été mis au nombre des genres, on ne fera qu’introduire inutilement un nom de plus[2]. Si l’on distingue l’un de l’être[3], on avoue que chacun d’eux a sa nature à part ; si l’on ajoute le mot quelque chose à celui d’un, on a un certain

    homme et homme signifient la même chose ; on ne change rien à l’expression : L’homme est, par ce redoublement : L’homme est homme, ou : L’homme est un homme. Il est évident que l’être ne se sépare de l’unité ni dans la production ni dans la destruction. De même, l’unité naît et périt avec l’être. On voit assez, par conséquent, que l’unité n’ajoute rien à l’être par son adjonction, enfin que l’unité n’est rien en dehors de l’être. De plus, la substance de chaque chose est une en soi, et non accidentellement : il en est de même de l’essence ; de sorte qu’autant il y a d’espèces dans l’unité, autant il y a dans l’être d’espèces correspondantes. » (Métaphysique, liv. IV, § 2 ; trad. de MM. Pierron et Zévort, t. I, p. 105.)

  1. Plotin a dit ci-dessus, à la fin du § 8, que le Mouvement, la Stabilité, l’Identité et la Différence ne sont pas des espèces de l’Être. Voy. aussi le commencement du § 7.
  2. « Ce que vous appelez être, n’est-ce pas quelque chose ? Et ce quelque chose, n’est-ce pas ce que vous appelez aussi un, donnant deux noms à une même chose ? » (Platon, Sophiste ; trad. de M. Cousin, t. XI, p. 246.)
  3. Les textes imprimés portent les mots ἓν ἐϰάτερον, qui ne donnent pas de sens. Creuzer a trouvé dans un des meilleurs manuscrits le mot ἕτερον (heteron) ajouté entre ces deux mots. Nous avons suivi cette leçon, que Ficin paraît avoir eue sous les yeux en faisant sa traduction : « Quod si unum ipsum esse alterum dicat, utrumque certe naturam quamdam dicit. »