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CINQUIÈME ENNÉADE, LIVRE V.


universelle que tout ce qui est parfait engendre pour faire part de lui-même à ce qui est inférieur.

(II) Étant l’Intelligible suprême, l’Un engendre l’intelligence. C’est pour cette raison qu’il a été dit que de la Dyade indéfinie et de l’Un sont nés les nombres et les idées. L’Intelligible suprême n’a besoin de rien ; s’il a la conception de lui-même, c’est une conception supérieure à la pensée par laquelle l’Intelligence se pense. Il en résulte que l’Intelligence est l’acte produit par la Puissance suprême, tandis que cette puissance est elle-même au-dessus de tout.


LIVRE CINQUIÈME.
LES INTELLIGIBLES NE SONT PAS HORS DE L’INTELLIGENCE. DU BIEN.

(I-II) L’intelligence véritable doit être infaillible et posséder la certitude. Pour cela, il faut qu’elle soit identique aux intelligibles afin de tirer sa science de son propre fonds. Si elle l’empruntait à autrui, elle n’aurait pas le droit de croire que les choses sont telles qu’elle les conçoit ; elle ressemblerait aux sens qui nous représentent les objets extérieurs, mais n’atteignent pas ces objets eux-mêmes ; elle n’aurait que des connaissances incertaines et accidentelles, et elle manquerait de principes pour régler ses jugements. Si les intelligibles, l’intelligence et la vérité ne faisaient pas une seule chose, les intelligibles seraient privés d’intelligence et de vie, en même temps que l’intelligence ne percevrait que des images et se trouverait réduite à la condition de la faculté appelée opinion. Il est donc nécessaire d’attribuer à l’intelligence la possession intime de toutes les essences et de la vérité pour sauver la réalité de l’intelligence ainsi que celle des intelligibles.

(III-IV) Malgré sa dignité, l’Intelligence n’occupe pas le premier rang. Au-dessus d’elle est le Roi des rois, le Père des dieux, le Dieu suprême, l’Un. La supériorité de l’Un consiste en ce qu’il est absolument simple. Par là, il est la mesure de toutes choses sans être mesuré lui-même ; il est le principe substantiel des nombres sans être lui-même un nombre ; il est l’origine des unités secondaires, qui diffèrent de l’Un absolument simple tout en y participant.

(V) Tous les êtres sont engendrés par l’Un sans qu’il cesse de rester immobile en lui-même ; tous en portent la forme. Comme la quantité n’existe dans les nombres que par leur participation à l’unité, c’est la trace de l’Un qui constitue l’essence des êtres. Cette opinion est conforme à l’étymologie des mots, puisque εἰναι, οὐσία, ὄν (einai, ousia, on) dérivent de ἕν (hen).

(VI) Puisque l’essence engendrée par l’Un est une forme, l’Un doit lui-même n’avoir pas de forme, par conséquent être au-dessus de l’essence aussi bien qu’au-dessus de l’intelligence. Le seul nom qui convienne au principe suprême, l’Un, ne signifie pas autre chose que la négation de tout nombre et de toute détermination, comme l’exprime le nom symbolique d’Apollon employé par les Pythagoriciens.