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SIXIÈME ENNÉADE.


ainsi [de tout ramener à un seul genre], comme nous l’avons déjà démontré. Il faut reconnaître dans le monde sensible plusieurs genres, et ces genres doivent différer de ceux du monde intelligible, puisque le monde sensible diffère lui-même du monde intelligible, qu’il n’en est pas le synonyme, mais seulement l’homonyme, c’est-à-dire l’image.

Comme ici-bas dans le mélange et le composé [qui nous constituent] il y a deux parties, l’âme et le corps, dont l’ensemble forme l’animal[1], que l’essence de l’âme appartient au monde intelligible, et par conséquent n’est pas du même ordre que l’essence sensible, il nous faut, quoique cela soit difficile, séparer l’âme[2] d’avec les choses sensibles que nous considérons seules présentement. C’est ainsi que celui qui voudrait diviser les habitants d’une ville d’après leurs dignités et leurs professions devrait laisser de côté les étrangers qui habiteraient cette ville. Quant aux passions qui naissent de l’union de l’âme avec le corps ou que l’âme éprouve à cause du corps[3], nous examinerons plus tard comment il faut les distribuer[4] : c’est ce que nous ferons lorsque nous aurons traité des choses sensibles.

II. Parlons d’abord de ce qu’on appelle essence ici-bas.

Il faut reconnaître que la nature corporelle ne peut recevoir le nom d’essence que par homonymie ou même qu’elle ne doit pas le recevoir du tout, puisqu’elle implique l’idée d’écoulement [de changement] perpétuel[5] : la dénomination qui lui convient proprement, c’est celle de génération[6]. Il faut reconnaître aussi que les choses qui appartiennent à la génération sont fort diverses ; cependant tous les corps, les uns simples [comme les éléments], les autres compo-

  1. Voy. Enn. I, liv. I, § 7 ; t. I, p. 43.
  2. Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 380.
  3. Voy. Enn. III, liv. VI, § 1-5 ; t. II, p. 123-138.
  4. Voy. ci-après § 16.
  5. Voy. Enn. II, liv. I,§ 2 ; t. I, p. 145.
  6. Voy. t. I, p. 123, note 2.