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LIVRE TROISIÈME.

propre [elle est un accident[1]], et elle n’est pas confondue dans le mélange qui constitue la substance. Je ne dis pas que telle chose prise avec les autres est une substance lorsqu’elle complète une masse de telle grandeur et de telle qualité, et qu’elle n’est plus qu’une qualité lorsqu’elle ne complète pas cette masse ; je dis que même ici-bas toute chose n’est pas substance, et que l’ensemble qui embrasse tout est seul substance. Et qu’on ne vienne pas se plaindre de ce que nous composons la substance de non-substances : car l’ensemble même n’est pas une véritable substance [ou essence], mais offre seulement l’image de l’essence véritable, laquelle possède l’être indépendamment de tout ce qui se rapporte à elle et produit elle-même les autres choses parce qu’elle possède l’existence véritable. Ici-bas, le substratum ne possède l’être qu’incomplètement et est stérile, bien loin de produire les autres choses : il n’est qu’une ombre, et sur cette ombre se projettent des images qui n’ont que l’apparence [au lieu de l’existence réelle][2].

IX. Nous terminerons ici ce que nous avions à dire de la substance sensible et du genre qu’elle constitue. Il nous reste à examiner comment on peut la diviser et quelles sont ses espèces.

Toute substance sensible est corps ; mais il y a les corps bruts et les corps organisés : les corps bruts sont le feu, la terre, l’eau et l’air ; les corps organisés sont ceux des plantes et des animaux, qui se distinguent les uns des autres par leurs formes. On peut diviser en espèces la terre et les autres éléments ; on peut aussi classer d’après leurs formes les plantes et les corps des animaux, ou bien ranger dans une classe les animaux qui habitent sur la terre

  1. « L’accident se dit de ce qui existe de soi-même dans un objet sans être un des caractères distinctifs de son essence. » (Aristote, Métaphysique, liv. V, chap. 30 ; trad. fr., t. I, p. 206.)
  2. Voy. Enn. III, liv. VI, § 12 ; t. II, p. 152.