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SIXIÈME ENNÉADE.

belle qu’elle. Nous ne devons donc pas non plus nier qu’une chose soit grande parce qu’il y en a une plus grande qu’elle : car plus grand ne saurait exister sans grand, comme plus beau sans beau.

XII. Il faut donc reconnaître que la quantité admet des contraires. Notre pensée même admet aussi des contraires quand nous disons grand et petit, puisque nous nous représentons alors des contraires, comme lorsque nous disons beaucoup et peu : car beaucoup et peu sont dans le même cas que grand et petit[1]. Quelquefois on dit : il y a à la maison beaucoup de personnes, et par là on entend un plus grand nombre [relativement] ; dans ce dernier cas, c’est un relatif. On dit de même : il y a peu de monde au théâtre, au lieu de dire : il y a moins de monde [relativement][2]. Mais quand on emploie le mot beaucoup, on doit entendre par là une grande multitude en nombre.

Comment donc la multitude fait-elle partie des relatifs ? Elle fait partie des relatifs en ce que la multitude est une extension de nombre (έπέϰτασις ἀριθμοῦ (epektasis arithmou)), tandis que le contraire de la multitude est une contraction (συστολή) . Il en est de même de la grandeur continue : nous la concevons comme prolongée. La quantité a donc pour double origine la progression de l’unité et la progression du point : si l’une ou l’autre progression s’arrête promptement, on a dans le premier cas peu et dans le second petit : si l’une ou l’autre se prolonge, on a alors beaucoup et grand. — Quelle est donc la limite qui détermine ces choses ? — On peut faire la même question pour le beau, pour le chaud : car il y a aussi plus chaud ; seulement plus chaud est un relatif, tandis que chaud pris absolument est une qualité. De même qu’il y a une raison du beau [une raison qui produit

  1. Plotin combat ici Aristote, comme on en peut juger par le passage que nous venons de citer p. 288.
  2. Ce sont les exemples employés par Aristote dans ce même passage.