Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
SIXIÈME ENNÉADE.

Si la raison sépare des choses sensibles les nombres qui sont en elles, rien n’empêche alors d’attribuer à ces nombres les mêmes différences [qu’aux nombres composés d’unités].

Quant à la quantité continue, quelles distinctions admet-elle ? Il y a la ligne, la surface, le solide : car on peut distinguer l’étendue à une dimension, l’étendue à deux dimensions, l’étendue à trois dimensions [et compter ainsi les éléments numériques de la grandeur continue] au lieu d’établir des espèces[1]. — Dans les nombres considérés ainsi comme antérieurs ou postérieurs les uns aux autres, on ne trouve rien de commun qui constitue un genre. De même dans la première, la seconde et la troisième augmentation [dans la ligne, la surface et le solide], il n’y a rien de commun ; mais en tant qu’on y trouve la quantité, on y trouve aussi l’égalité [et l’inégalité] : quoiqu’il n’y ait pas une étendue qui soit un quantitatif plus qu’une autre[2], cependant l’une a des dimensions plus grandes que l’autre. C’est donc seulement en tant qu’ils sont tous nombres que les nombres peuvent avoir quelque chose de commun. Peut-être en effet n’est-ce pas la monade qui engendre la dyade, ni la dyade qui engendre la triade, mais est-ce le même principe qui engendre tous les nombres. Si les nombres ne sont pas engendrés, mais existent par eux-mêmes, nous les concevons du moins dans notre pensée comme engendrés : nous nous représentons le nombre moindre comme anté-

  1. « Ce qui est indivisible par rapport à la quantité, et en tant que quantité, ce qui est absolument indivisible et n’a pas de position, se nomme monade. Ce qui l’est dans tous les sens, mais a une position, est un point. Ce qui n’est divisible que dans un sens est une ligne. Ce qui peut être divisé en deux sens est un plan. Ce qui peut l’être de tous les côtés, et dans trois sens, sous le rapport de la quantité, est un corps. » (Aristote, Métaphysique, liv. V, ch. VI ; tr. fr., t. I, p. 165.)
  2. « De toutes les quantités que nous avons énumérées, aucune n’est ni plus ni moins quantité qu’une autre. La quantité ne parait donc pas susceptible de plus et de moins. » (Aristote, Catégories, III, ch. VI, § 26 ; trad. fr., p. 79.)