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SIXIÈME ENNÉADE.

une raison telle au telle est-il identique à ce qui apparaît ou en est-il seulement l’homonyme ? Faut il le compter au nombre des choses intelligibles ou au nombre des choses sensibles ? Dans laquelle de ces deux classes faut-il ranger le laid (car pour le beau sensible, il est évident qu’il diffère du beau intelligible) ? Faut-il placer la vertu au nombre des qualités intelligibles ou des qualités sensibles, ou bien placer certaines vertus dans la première classe et certaines autres dans la seconde, puisqu’on peut demander si les arts mêmes, qui sont des raisons, doivent être mis au nombre des qualités sensibles ? — Si ces raisons sont unies à une matière, elles ont pour matière l’âme même. — Mais, lorsqu’elles sont unies à une matière, dans quelle condition sont-elles ici-bas ? — Il en est de ces raisons comme d’un chant accompagné de la lyre[1] : ce chant, étant formé par une voix sensible, se rapporte aux cordes de la lyre et en même temps il est une partie de l’art [lequel est une raison]. On pourrait également dire que les vertus sont des actes et non des parties [de l’âme]. Sont-ce des actes sensibles ? [On est porté à le croire :] car, bien que le beau qui se trouve dans le corps soit incorporel, nous le mettons parmi les choses qui se rapportent au corps et lui appartiennent. Quant à l’arithmétique et à la géométrie, il en faut reconnaître deux espèces : l’arithmétique et la géométrie de la première espèce s’appliquent aux objets visibles et doivent être rangées parmi les qualités sensibles ; l’arithmétique et la géométrie de la seconde espèce sont des études propres à l’âme et doivent être rangées parmi les choses intelligibles. Platon dit qu’il en est de même pour la musique et l’astronomie[2].

Ainsi, les arts qui sont en rapport avec le corps, qui se

  1. Voy. la même comparaison plus développée dans l’Ennéade III, liv. VI, § 4 ; t. II, p. 105.
  2. Voy. dans le Banquet le discours d’Éryximaque.