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SIXIÈME ENNÉADE.

que le mouvement, en tant que le résultat du mouvement est de rendre une chose autre qu’elle n’était. Qu’est donc le mouvement ? Le mouvement est, pour exprimer ma pensée par une expression figurée, le passage de la puissance à l’acte de ce dont elle est la puissance (ἡ ἐϰ δυνάμεως ὀδὸς εἰς ἐϰεῖνο ὃ λέγεται δύνασθαι (hê ek dunameôs odos eis ekeino ho legetai dunasthai)[1]).

Supposons en effet qu’une chose qui était d’abord en puissance arrive à prendre une forme, comme ce qui était en puissance une statue, ou passe à l’acte, comme la marche[2] : dans le cas où l’airain passe à l’état de statue, ce passage est un mouvement ; dans le cas de la marche, la marche même est un mouvement, comme la danse chez celui qui en est capable. Dans le mouvement de la première espèce, où l’airain passe à l’état de statue, il y a production d’une autre forme qui est réalisée par le mouvement[3]. Le mouvement de la seconde espèce, la danse, est une simple forme de la puissance, et ne laisse rien qui subsiste après lui quand il a cessé[4].

On serait donc fondé à nommer le mouvement une forme active (εἶδος ἐγρηγορὸς (eidos egrêgoros))[5], par opposition aux autres formes qui restent dans l’inaction, qu’elles soient ou non permanentes, en ajoutant qu’il est cause des autres formes, quand il a pour conséquence la production de quelque chose. On pourrait dire aussi que ce mouvement dont nous parlons est la vie des corps ; je dis ce mouvement, parce qu’il porte le même nom que les mouvements de l’intelligence et ceux de l’âme.

Ce qui prouve encore que le mouvement est un genre, c’est qu’il est fort difficile, pour ne pas dire impossible, de

  1. Cette définition résume la pensée développée par Aristote dans sa Métaphysique, liv. IX, ch. 6, et liv. XI, ch. 9.
  2. Ces exemples sont empruntés à Aristote, Métaphysique, liv. XI, ch. 9.
  3. Voy. Enn. II, liv. V, § 1-2 ; t. I, p. 224-226.
  4. Voy. Enn. II, liv. V, § 2 ; t. I, p. 226-229.
  5. Voy. Enn. II, liv. V, § 2 ; t. I, p. 228-229.