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SIXIÈME ENNÉADE.

était : car le mouvement serait vain s’il ne rendait pas une chose autre qu’elle n’était. Aussi l’altérité (ἑτερότης (heterotês)) ne consiste-t-elle pas pour une chose à devenir autre qu’elle n’était, puis à persister dans cet autre état, mais à être sans cesse autre qu’elle n’était. Ainsi, le temps est toujours autre qu’il n’était, parce qu’il est produit par le mouvement : car il est le mouvement mesuré dans sa marche et non dans son point d’arrêt ; il le suit entraîné dans son cours. Enfin, un caractère commun à toutes les espèces de mouvement, c’est d’être la marche par laquelle la puissance et le possible passent à l’acte : car tout objet en mouvement, quelle que soit la nature de ce mouvement, n’arrive à être en mouvement que parce qu’il possédait auparavant la puissance de produire une action ou d’éprouver une passion de telle ou telle nature.

XXIII. Le mouvement est pour les choses sensibles, qui reçoivent l’impulsion d’autrui, un stimulus qui les agite, les excite, les presse, les force de ne pas sommeiller dans l’inertie, de ne pas rester les mêmes, mais de présenter une image de la vie par leur agitation et par leurs mutations continuelles. Il ne faut pas d’ailleurs confondre les choses qui se meuvent avec le mouvement : la marche n’est pas les pieds, mais un acte de la puissance qui s’applique aux pieds. Or, cette puissance étant invisible, nous n’apercevons que l’agitation des pieds ; nous voyons qu’ils ne sont pas dans le même état que s’ils restaient en place, mais qu’ils ont quelque chose de plus, qui est invisible, il est vrai. Ainsi, étant unie à des objets autres qu’elle-même, la puissance n’est aperçue que par accident, parce qu’on remarque que les pieds changent de lieu et ne se reposent pas. De même, nous ne reconnaissons l’altération dans l’objet altéré que parce que nous n’y trouvons plus la même qualité.

En quoi réside le mouvement quand il agit sur un objet, quand de la puissance intérieure il passe à l’acte ? Est-ce dans le moteur ? Comment ce qui est mû et qui pâtit