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LIVRE QUATRIÈME.

Il n’est pas nécessaire d’admettre que l’Âme remplisse les corps de vie par la pluralité des âmes, ni que cette pluralité vienne de l’étendue du corps [du monde]. Avant qu’il y eût des corps, il y avait déjà une Âme et plusieurs âmes [l’Âme universelle et les âmes particulières]. Les âmes particulières existaient déjà dans l’Âme universelle, non en puissance, mais chacune en acte. L’unité de l’Âme universelle n’empêche pas la multitude des âmes particulières renfermées en elle ; la multitude des âmes particulières n’empêche pas l’unité de l’Âme universelle. Elles sont distinctes sans que nul intervalle les sépare ; elles sont présentes les unes aux autres au lieu d’être étrangères les unes aux autres ; car elles ne sont pas séparées entre elles par des limites, pas plus que les sciences diverses ne le sont dans une seule âme[1]. L’Âme une est telle qu’elle renferme dans son unité toutes les âmes. Une pareille nature est donc infinie.

V. La grandeur de l’Âme ne consiste pas à être une masse corporelle[2] : car toute masse corporelle est petite et se réduit à rien si on lui fait subir un retranchement.

  1. Tout ce passage est commenté par Porphyre (Principes de la théorie des intelligibles, § xxxix, t. I, p. lxxx), et cité par le P. Thomassin, qui le fait précéder de ces réflexions : « Visum est Platonicis incorporeas naturas seu mentes nullis unquam, seu animas aliquibus quandoque immersas corporibus, et alias in aliis esse, et singulas in singulis, et omnes in omnibus, et totas ubique esse. Ineluctabilis ejus rei demonstratio hæc illis esse videbatur quod proprium id sit et peculiare corporum ut alia alium locum occupent, sese mutuo extrudant, partesque suas alias extra alias non possint exporrigere, nisi suo quamque et di verso loco componant. Expertes ergo corporis et quantitatis substantiæ ut partes non habent, ita nec locum implent, nec proinde se excludunt. Non distant igitur mentes a mentibus, animæ ab animabus ; alioquin assignanda foret aliqua partium et dimensionum intercapedo, quibus proreus carent. » (Dogmata theologica, t. I, p. 248.)
  2. Le § 5 est commenté par Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § xxxvii, dans notre tome I, p. lxxviii.