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SIXIÈME ENNÉADE.

puissances de l’âme la même question que pour l’âme, et demander si elles sont partout tout entières ; enfin, on sera conduit à croire que l’âme est dans un membre, et sa puissance dans un autre.

Expliquons d’abord comment il peut y avoir pluralité d’intelligences, d’âmes et d’êtres. Si nous considérons les choses qui procèdent des premiers principes, comme ce sont des nombres[1] et non des grandeurs, nous aurons également à nous demander comment elles remplissent l’univers. Cette pluralité qui naît ainsi des premiers principes ne nous aide donc en rien à résoudre notre question, puisque nous avons accordé que l’Être est multiple par la différence [des êtres qui procèdent de lui], et non par le lieu : car il est tout entier à la fois quoiqu’il soit multiple ; « l’être touche partout à l’être[2], » [comme le dit Parménide], et il est partout présent tout entier. L’Intelligence est également multiple par la différence [des intelligences qui procèdent d’elle] et non par le lieu : elle est tout entière partout. Il en est ainsi des âmes ; même leur partie qui est divisible dans les corps est indivisible par sa nature[3]. Mais les corps sont étendus parce que l’Âme leur est présente[4] ; ou plutôt, c’est parce qu’il y a des corps dans le monde sensible, c’est parce que la puissance de l’Âme [universelle] qui est en eux se manifeste dans toutes leurs parties, que l’Âme semble avoir elle-même des parties. Ce qui prouve qu’elle n’est pas divisée comme eux et avec eux, qu’elle est présente tout entière partout, c’est que de sa nature elle est essentiellement une et indivisible. Ainsi, l’unité de l’Âme n’exclut pas la pluralité des âmes[5], pas plus que l’unité de l’Être n’exclut la pluralité des êtres, que la pluralité des intelligibles n’est en contradiction avec l’existence de l’Un.

  1. Voy. ci-après le livre VI.
  2. Parménide, vers 80, éd. Karsten.
  3. Voy. Enn. IV, liv. III, § 19 ; t. II, p. 301.
  4. Voy. Enn. III, liv. VI, § 17 ; t. II, p. 163.
  5. Voy. le livre IX de l’Ennéade IV.