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SIXIÈME ENNÉADE.

dans l’air la lumière solaire lorsque vous regardez le corps du soleil, en même temps que vous apercevez partout la même lumière sans aucune division : c’est ce que démontrent les objets qui interceptent la lumière ; ils ne la renvoient pas autre part que du côté duquel elle était venue ; ils ne la fragmentent pas. Mais, si le soleil était une puissance incorporelle, vous ne pourriez, lorsqu’il répandrait la lumière, dire où la lumière a commencé ni d’où elle est envoyée : il n’y aurait qu’une seule lumière, la même partout, n’ayant point de commencement ni de principe d’où elle provînt[1].

VIII. La lumière émanant d’un corps, il est aisé de dire d’où elle vient, parce qu’on sait où ce corps se trouve placé. Mais si un être est immatériel, s’il n’a aucun besoin de corps, s’il est antérieur à tout corps, édifié sur lui-même[2], ou plutôt s’il n’a pas besoin, comme le corps, d’être édifié quelque part, l’être doué d’une pareille nature n’a point d’origine d’où il soit sorti, ne réside dans aucun lieu, ne dépend d’aucun corps. Comment pourriez-vous donc dire qu’il a une de ses parties ici, une autre là ? car de cette manière il aurait une origine d’où il serait sorti et il dépendrait de quelque chose. Il faut donc dire que si une chose participe à cet être par la puissance de l’univers, elle participe à cet être tout entier, sans qu’il change pour cela ou qu’il soit divisé : car c’est à l’être uni à un corps qu’il convient de pâtir (quoique souvent cela ne lui arrive que par accident), et sous ce rapport on peut dire qu’il est passif et divisible[3],

  1. Plotin se sert de la lumière pour expliquer l’omniprésence de l’Âme universelle parce que, selon lui, l’âme est dans le corps ce que la lumière est dans l’air. Voy. Enn. IV, liv. III, § 22 ; t. II, p. 307.
  2. Plotin dit ailleurs : « Le corps est édifié sur les puissances de l’Âme. » (Enn. IV, liv. VII, § 4 ; t. II, p. 441.) Sur cette expression, Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 360, note 3, et p. 361.
  3. Telle est la condition de la partie passive et divisible de l’âme. Voy. Enn. IV, liv. III, § 19 ; t. II, p. 301.