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LIVRE QUATRIÈME.

énoncée par le son n’était point tout entière partout, et si chaque oreille ne la percevait pas également tout entière[1]. Or, si dans ce cas la parole tout entière se répand dans l’air tout entier, sans que telle partie de la parole soit unie à telle partie de l’air, et que telle autre partie de la parole soit divisée avec telle autre partie de l’air, pourquoi refuser d’admettre qu’une seule Âme pénètre partout sans se diviser avec les choses, qu’elle est présente tout entière partout où elle est, qu’elle est partout dans le monde sans se diviser en parties qui correspondent à celles du monde ? Quand elle s’est unie aux corps, de quelque manière qu’elle s’y soit unie, elle a de l’analogie avec la parole qui a été prononcée dans l’air, tandis qu’avant de s’être unie aux corps, elle ressemble à celui qui prononce ou va prononcer une parole. Cependant, lors même qu’elle s’est unie aux corps, elle ne cesse pas réellement de ressembler à certains égards à celui qui prononce une parole, et qui en la prononçant la possède et la donne en même temps. Sans doute la parole n’a pas une nature identique à celle des choses que nous nous sommes proposé d’expliquer par cet exemple ; cependant il y a là beaucoup d’analogie.

Quant au rapport de l’Âme avec les corps, comme il est d’une nature différente, il faut bien comprendre que l’Âme n’est pas en partie en elle-même, en partie dans les corps, mais qu’à la fois elle demeure tout entière en elle-même et elle projette son image dans la multiplicité des corps [qui la reflètent comme des miroirs[2]]. Tel ou tel corps s’approche de l’Âme pour en recevoir la vie ; il l’obtient en silence et il possède ainsi ce qui était déjà dans d’autres corps. En effet, les choses n’étaient pas préparées de manière qu’une partie de l’Âme, placée dans un certain lieu, attendît un corps pour y entrer, mais cette partie de l’Âme qui entre dans

  1. Voy. Enn. IV, liv. V, § 5 ; t. II, p. 417.
  2. Voy. Enn. I, liv. I, § 8 ; t. I, p. 45.