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SIXIÈME ENNÉADE.

encore un sens raisonnable[1] : car maintenant notre âme est où se trouve notre corps, elle est placée dans le même lieu que lui. — Mais, quand le corps n’existe plus, que signifie que l’âme est aux enfers ? — Si l’âme n’est pas séparée de son image (εἴδωλον (eidôlon)), pourquoi ne serait-elle pas où est son image ? Si l’âme a été séparée de son image par la philosophie, cette image va seule dans un lieu inférieur, tandis que l’âme vit purement dans le monde intelligible[2], sans que rien émane d’elle[3]. Voilà ce que nous avions à dire sur l’image née de tel individu. Quant à l’âme, si elle concentre en son sein la lumière qui rayonne d’elle[4], alors, tournée vers le monde intelligible, elle rentre dans ce monde tout entier ; elle n’est plus en acte, mais elle ne périt pas pour cela [elle est universelle en acte, et particulière seulement en puissance].

Terminons ici ce que nous avions à dire sur ce point, et revenons à notre sujet[5].

  1. C’est l’interprétation ordinairement suivie par Plotin. Voy. Enn. I, liv. I, § 12 ; t. I, p. 48-50 ; Enn. IV, liv. III, § 27 et 32 ; t. II, p. 320 et 327-329.
  2. « Porphyre répète à satiété que l’âme doit fuir toute espèce de corps pour demeurer heureuse en Dieu. » (S. Augustin, Cité de Dieu, liv. X, chap. 29.)
  3. Ficin commente ce passage en ces termes : « Idolum animæ intellige vitale spiraculum animæ circa corpus, quod in nobis est geminum : alterum quidem ab anima nostra, alterum ab Anima mundi. Nostrum quidem ab anima nostra separari non potest, sed ab effectu vacare ; mundanum vero ab anima nostra segregari potest. » Ficin nous paraît ici moins suivre la doctrine de Plotin que les idées de Porphyre sur l’esprit, πνεῦμα (pneuma) (Voy. dans notre tome I, Principes de la théorie des intelligibles, § xxiii, p. lxv). Ordinairement dans Plotin l’image de l’âme n’est autre chose que l’âme irraisonnable (Voy. Enn. I, liv. I, § 12, t. I, p. 48-50 ; Enn. IV, liv. III, § 27 et 32, t. II, p. 320 et 327-329). On trouve à peine dans notre auteur quelques lignes énigmatiques sur l’esprit. Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 454.
  4. οἷον ἐλλάμψῃ πρὸς ἑαυτὴν. Taylor propose à tort de lire πρὸς αὐτόν (pros auton), en ajoutant : « For Plotinus is here speaking of the soul with reference to the εἴδωλον (eidôlon). » il s’est évidemment mépris sur le sens général de la phrase, sens qui est fort clair.
  5. Voy. le livre suivant.