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LIVRE QUATRIÈME.

corps auquel elle applique son activité est une partie de cet univers. C’est comme si le feu, doué de la capacité de brûler tout, était réduit à ne brûler qu’un petit objet, quoiqu’il possédât une puissance universelle. En effet, quand l’âme particulière est séparée du corps, elle n’est plus particulière [en acte] ; au contraire, quand elle s’est séparée de l’Âme universelle, non en passant d’un lieu dans un autre, mais en appliquant son activité [à une partie de cet univers, à un corps], elle devient particulière [en acte][1] ; toutefois, en cessant d’être universelle [en acte], elle demeure universelle d’une autre manière [en puissance] : car lorsqu’elle ne préside à aucun corps, elle est véritablement universelle, elle n’est plus particulière qu’en puissance.

Par conséquent, lorsqu’on dit que l’âme est aux enfers, si par enfers on entend un lieu invisible[2], cela veut dire que l’âme est séparée du corps ; si par enfers on entend au contraire un lieu inférieur, cette interprétation offre

    aliquando pars universi, quemadmodum luna vel plena vel semiplena vicissim. Quando enim nondum ad particulare hoc corpus affigitur, circa universam mundi formam instar Animæ mundi ratione imaginationeque, et, utcunque potest, seminalium virium amplificatione se versat, ubi anima nostra actu quidem universalis est, potentia vero particularis. Evadit autem pars universi quando ad corpus hoc, universi partem, affectu proprio se deflectit : quo quidem in habitu particularis quidem est actu, universalis vero potentia. Proinde, quando universalis evadit, non desinit esse particularis : nam propriétas hæc in ipsa habitus universitate deprehenditur. » (Ficin.)

  1. Les textes imprimés portent : ὅταν δὲ διαϰριθῇ, οὐ τόπῳ, ἀλλ' ἐνεργείᾳ γένηται τὸ ϰαθ' ἕϰαστον (hotan de diakrithê, ou topô, all’ energeia genêtai to kath’ ekaston). Il faut lire avec Ficin et Taylor : ἀλλ’ ἐνεργείᾳ ϰαὶ γένηται… (all’ energeia kai genêtai…)
  2. Il y a dans le texte : τὸ δὲ εἰς ᾅδον γένεσθαι εἰ μὲν ἐν τῷ ἀϊδεῖ (to de eis hadon genesthai ei men en tô aïdei). Plotin fait ici allusion à l’étymologie que Platon donne d’ᾄδης (adês) : « Quant au nom d’Haidès, je crois que la plupart des hommes l’entendent dans le sens d’invisible, τὸ ἀειδές (to aeides), et que c’est pour éviter cette dénomination sinistre qu’ils préfèrent celle de Pluton. » (Cratyle, trad. de M. Cousin, t. XI, p. 57.)