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SIXIÈME ENNÉADE.

malgré la distance qui les sépare, recevoir les mêmes dons, parce que le don accordé et l’effet produit aboutissent à une même chose ; bien plus, toutes les actions et tes passions qui se produisent dans le corps de l’univers sont contenues dans son sein, et rien ne lui vient du dehors. Or si un corps, qui par sa nature se fuit en quelque sorte lui-même [parce qu’il est dans un écoulement perpétuel], ne reçoit cependant rien du dehors, comment une essence qui n’a point d’étendue tiendrait-elle quelque chose du dehors ? Par conséquent, étant tous contenus dans un seul et même principe, nous voyons le Bien et nous le touchons tous ensemble par la partie intelligible de notre être[1].

D’ailleurs, le monde intelligible a bien plus d’unité que te monde sensible : autrement, il y aurait deux mondes sensibles, puisque la sphère intelligible ne différerait pas de la sphère sensible si elle n’avait pas plus d’unité que cette dernière. Elle l’emportera donc sous le rapport de l’unité. Il serait en effet ridicule d’admettre que l’une des deux sphères eût une étendue conforme à sa nature, tandis que l’autre, sans aucune nécessité, s’étendrait et s’écarterait de son centre. Pourquoi dans le monde intelligible toutes choses ne conspireraient-elles pas à l’unité ? Là, en effet, aucune ne fait obstacle à l’autre par son impénétrabilité, pas plus que la conception que vous avez d’une notion ou d’une proposition ne fait obstacle à celle que j’en ai moi-même, pas plus que des notions diverses ne se font obstacle l’une à l’autre dans une seule âme. — Cette

  1. Le P. Thomassin cite ce passage en ces termes : « Fundamentum aliud immensitatis divinæ est ipsum Bonum, quod unum et idem totumque omnes et omnia expetunt, et pro viribus suis invadunt et complectuntur, ideoque illi præsentissima et conjunctissima esse collaborant ; ipsum vero omnibus intimum hanc sui famem inserit et instigat, eamque non quasi corporali in longinquum transmissione, sed spiritali immeatione exsaturat. » (Dogmata theologica, t. I, p. 246.)