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LIVRE SIXIÈME.
DES NOMBRES.[1]

I. La multitude consiste-t-elle dans l’éloignement de l’unité (ἀπόστασις τοῦ ἑνός (apostasis tou henos)) ? L’infinité est-elle cet éloignement porté aux dernières limites parce qu’elle est une multitude innombrable ? S’ensuit-il que l’infinité soit un mal, et que nous soyons mauvais nous-mêmes quand nous sommes multitude ? — [Cela paraît probable :] car chaque être devient multiple quand, ne pouvant demeurer tourné vers lui-même, il s’épanche, il s’étend en se divisant ; perdant ainsi toute unité dans son expansion, il devient multitude, parce qu’il n’y a plus rien qui tienne ses parties unies entre elles. Si cependant il y a encore quelque chose qui tienne ses parties unies entre elles, alors, tout en s’épanchant, l’être demeure et il devient grandeur[2].

Mais quel mal y a-t-il dans la grandeur ? — Si l’être qui est devenu grand pouvait sentir, [il sentirait ce qui est survenu de mal en lui : car] il sentirait qu’il est sorti de lui-même, qu’il s’en est même beaucoup éloigné. Aucun être, en effet, ne cherche ce qui est autre que lui ; tout être se cherche lui-même. Le mouvement par lequel un être sort de lui-même a pour cause la témérité[3] ou la nécessité[4]. Chaque être existe au plus haut degré, non quand il devient multiple ou grand, mais quand il s’appartient ; or il s’appar-

  1. Pour les Remarques générales, Voy. les Éclaircissements sur ce livre à la fin du volume.
  2. Voy. ci-dessus liv. iii, § 12, p. 270.
  3. Voy. ci-dessus, p. 3, note 2.
  4. Voy. Enn. IV, liv. VIII, § 7 ; t. II, p. 491.