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LIVRE SIXIÈME.

tient quand il se concentre en lui-même. Ce qui désire devenir grand d’une autre manière ignore en quoi consiste la vraie grandeur ; au lieu d’aller à son but légitime, il se tourne vers le dehors. Se tourner au contraire vers soi-même, c’est rester en soi. On en a la preuve dans ce qui participe à la grandeur : si l’être se développe de sorte que chacune de ses parties existe à part, chaque partie existera bien, mais l’être lui-même ne sera plus ce qu’il était à l’origine. Afin qu’il demeure ce qu’il est, il faut que toutes ses parties convergent vers l’unité, de manière que, pour être ce qu’il est par son essence, il ne doit pas être grand, mais un : lorsqu’il possède la grandeur et la quantité qui est en elle, il s’évanouit ; lorsqu’il possède l’unité, il se possède lui-même. Sans doute l’univers est à la fois grand et beau ; mais il n’est beau qu’autant que l’unité le contient et l’empêche de se perdre dans l’infini. D’ailleurs, s’il est beau, ce n’est pas parce qu’il est grand, mais parce qu’il participe à la beauté ; or, s’il a eu besoin de participer à la beauté, c’est parce qu’il est devenu grand : en effet, isolé de la beauté, et considéré en lui-même comme grand, il paraîtrait laid. À ce point de vue, ce qui est grand est avec la beauté dans le rapport de la matière avec la forme, parce que ce qui a besoin d’être orné est multiple ; par conséquent, ce qui est grand a d’autant plus besoin d’être orné et est d’autant plus laid [qu’il est plus grand].

II. Que faut-il donc penser de ce qu’on nomme le nombre de l’infini ? — Il faut commencer par examiner comment, s’il est infini, il peut être un nombre. En effet, les objets sensibles ne sont pas infinis, par conséquent, le nombre qui se trouve en eux ne saurait être infini, et celui qui les nombre ne nombre point l’infini. Les supposât-on deux fois plus nombreux ou beaucoup plus nombreux encore, on les déterminerait toujours ; si on les multiplie par rapport à l’avenir ou au passé, on les détermine encore. Dira-t-on que le nombre n’est pas infini d’une manière absolue, mais