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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/437

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SIXIÈME ENNÉADE.

parce qu’elle a elle-même une nature intellectuelle, et que par elle les autres choses peuvent dans une certaine mesure devenir semblables à l’Intelligence. Comment admettre en effet qu’il y ait ici-bas un animal doué de beauté, sans reconnaître que l’Animal même [le monde intelligible][1] possède une beauté admirable et vraiment ineffable ? Enfin l’Animal parfait est composé de tous les animaux, ou plutôt il embrasse en son sein tous les animaux ; il est un et en même temps il égale en nombre tous les animaux ; de même que notre univers est un et en même temps est univers visible, parce qu’il renferme toutes les choses qui sont dans l’univers visible.

VIII. Puis donc que l’Animal possède l’existence première, qu’il est ainsi à la fois Animal même, Intelligence et Essence véritable, et que nous affirmons qu’il contient tous les animaux, tous les nombres, le Juste même, le Beau même, et les autres essences de cette espèce (car, dans l’Animal même, nous distinguons et l’Homme même, et le Nombre même, et le Juste même), nous avons à déterminer, autant qu’on peut le faire en ces matières, dans quelle condition se trouve chaque intelligible et ce qu’il est.

[Pour résoudre cette question,] commençons par écarter la sensation, et contemplons l’Intelligence avec l’intelligence seule. Surtout concevons bien que, de même qu’en nous la vie et l’intelligence ne consistent pas dans une masse corporelle, mais dans une puissance qui n’a point de masse, de même l’Essence véritable est dépouillée de toute étendue corporelle et constitue une puissance fondée sur elle-même[2] : elle ne consiste pas en effet dans une chose sans force, mais dans une puissance souverainement vitale et

  1. Voy. le passage du Timée que nous avons déjà cité dans le tome II, p. 238, note 2.
  2. Tiedemann (Geist der specul. Philosophie, III, p. 307) rapproche avec raison cette conception de la substance de celle qui sert de base au système de Leibnitz.