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SIXIÈME ENNÉADE.

qu’elle n’a pas, soit en découvrant rapidement l’un dans l’arrangement [qui fait de la multitude un corps], l’entendement ramène la multitude à l’un. Il ne se trompe pas ici à l’égard de l’un, pas plus que lorsqu’il dit d’un bâtiment formé d’une multitude de pierres qu’il est un ; un bâtiment est d’ailleurs plus un qu’une armée[1]. Si l’un est à un plus haut degré dans ce qui est continu, et à un plus haut degré encore dans ce qui n’est pas divisible[2], évidemment cela n’a lieu que parce que l’un a une nature réelle et possède l’existence : car il n’y a pas de plus et de moins dans ce qui n’existe pas.

De même que, lorsque nous affirmons l’existence substantielle de chaque chose sensible comme de chaque chose intelligible, nous l’affirmons cependant à un plus haut degré des choses intelligibles, attribuant ainsi un plus haut degré de substantialité aux êtres [véritables qu’aux substances sensibles] et aux substances sensibles qu’aux autres genres [de l’être sensible] ; de même, voyant clairement l’un dans les êtres sensibles et à un plus haut degré encore dans les êtres intelligibles, nous reconnaissons que l’un existe dans tous ses modes et nous les rapportons tous à l’Un en soi. En outre, de même que la substance et l’existence ne sont rien de sensible quoique les choses sensibles y participent, de même l’un, quoiqu’il se trouve par participation dans les choses sensibles, n’en est pas moins un intelligible. L’entendement le saisit par une conception intellectuelle : en voyant une chose [qui est sensible], il en conçoit aussi une autre qu’il ne voit pas [parce qu’elle est intelligible] ; il

  1. Voy. ci-après le livre ix, § 2.
  2. « Voici les quatre modes de l’unité : continuité naturelle (τὸ συνεχὲς φύσει (to suneches phusei)), ensemble (τὸ ὅλον (to holon)), individu (τὸ ϰαθ’ἕϰαστον), universel (τὸ ϰαθ’ὅλου). Et ce qui constitue l’unité dans tous les cas, c’est l’indivisibilité du mouvement pour certains êtres, et pour les autres l’indivisibilité de la pensée ou de la notion, etc. » (Aristote, Métaphysique, liv. X, chap. 1 ; tr. fr., t. II, p. 119.)