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LIVRE SIXIÈME.

parties des unités, vous obtenez et vous constituez le principe de la quantité [l’unité] : car une unité tirée ainsi d’une décade n’est pas l’Un en soi.

Mais quand vous dites que l’homme même pris en soi est un nombre, une dyade par exemple, parce qu’il est animal et raisonnable, il n’y a plus ici un simple mode : car, en tant que vous raisonnez et que vous nombrez, vous produisez une quantité ; mais en tant qu’il y a ici deux choses [animal et raisonnable] et que chacune d’elles est une, comme chacune d’elles complète l’essence [de l’homme] et possède l’unité, vous énoncez une autre espèce de nombre, le nombre essentiel (οὐσιώδης ἀριθμός (ousiôdês arithmos)). Ici la dyade n’est pas postérieure aux choses ; elle ne se borne pas à énoncer une quantité qui est extérieure à l’être ; elle énonce ce qui est dans l’essence même de cet être et en contient la nature.

En effet, ce n’est pas vous qui ici-bas produisez le nombre quand vous parcourez par la raison discursive des choses qui existent par elles-mêmes et qui ne doivent pas leur existence à ce que vous les nombrez : car vous n’ajoutez rien à l’essence d’un homme en le nombrant avec un autre. Il n’y a pas là une unité comme dans un chœur. Quand vous dites : dix hommes, dix n’existe qu’en vous qui nombrez ; on ne saurait avancer que dix existe dans les dix hommes que vous nombrez, puisque ces hommes ne sont pas coordonnés de manière à former une unité ; c’est vous qui produisez vous-même dix en nombrant cette décade et en en faisant une quantité. Mais quand vous dites : un chœur, une armée, il y a là quelque chose qui existe et en dehors de ces objets et en vous[1]. Comment donc faut-il entendre que le nombre existe en vous ? Le nombre qui est en vous avant que vous nombriez a un autre mode d’existence [que le nombre que vous produisez en nombrant]. Quant au nombre qui se manifeste dans les objets extérieurs

  1. Voy. ci-après liv. IX, § 1.