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SIXIÈME ENNÉADE.

être nombrées. Comment pourrait-on en effet dire dix si ce n’est à l’aide des nombres qu’on a en soi ?

XVI. Ces nombres, nous dira-t-on, que vous appelez nombres premiers et véritables, où les placez-vous et à quel genre d’êtres les rapportez-vous ? Tous les philosophes[1] placent les nombres dans le genre de la quantité. Vous-même vous avez précédemment fait mention de la quantité, et vous avez placé au nombre des êtres la quantité discrète aussi bien que la quantité continue[2]. Maintenant vous nous dites que ces nombres font partie des êtres premiers, et vous ajoutez qu’il y a en outre d’autres nombres qui servent à nombrer. Dites-nous donc comment vous arrangez ces choses : car elles donnent lieu à plusieurs questions. L’un qui se trouve dans les êtres sensibles est-il une quantité ? ou bien l’un est-il quantité quand il est répété, tandis que, considéré seul et en lui-même, il est le principe de la quantité, mais non une quantité ? En outre, si l’un est le principe de la quantité, a-t-il la même nature qu’elle ou bien a-t-il une nature différente ? Voilà autant de points que vous devez nous éclaircir.

Nous allons répondre à ces questions, et voici par quoi nous croyons devoir commencer.

Quand, considérant des objets visibles (car c’est par eux que nous devons débuter), quand, dis-je, prenant un être avec un autre être, un homme et un chien par exemple, ou deux hommes ensemble, vous dites qu’ils font deux, ou bien, quand, prenant un plus grand nombre d’hommes, vous dites qu’ils sont dix et qu’ils forment une décade, ce nombre ne constitue pas une substance ni un accident des choses sensibles : c’est purement et simplement une quantité ; en divisant cette décade par l’unité et en faisant de ses

  1. Il s’agit ici principalement d’Aristote, à la doctrine duquel cette objection est évidemment empruntée.
  2. Voy. ci-dessus liv. III, § 13, p. 271.