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SIXIÈME ENNÉADE.

nombre : quand nous savons quel est le nombre [de certains objets], nous pouvons le doubler par la pensée, sans ajouter pour cela un autre nombre au premier. Comment en effet serait-il possible d’ajouter aux objets extérieurs la conception de notre imagination, conception qui n’existe qu’en nous ? Nous dirons donc que, dans les intelligibles, la ligne est infinie : sans cela, la ligne intelligible serait un simple

    plus, même dans les rapports abstraits et indivisibles, il n’est pas possible qu’il existe un tel infini. En effet, lorsque dans ces rapports ne se trouve pas même, ni la notion de distance, ni celle de grandeur, comment la notion d’une grandeur infinie pourrait-elle y être comprise ? Une seule chose reste donc à dire : c’est que l’infini n’existe en substance que dans l’imagination, sans toutefois que pour cela l’imagination conçoive l’infini : car elle ne peut concevoir sans appliquer en même temps une forme et une limite à ce qu’elle conçoit, sans imposer un terme à la conception de l’objet imaginé, sans le parcourir en tous sens, enfin sans le circonscrire de tous les côtés. L’infini n’est donc point pour l’imagination un objet qu’elle conçoive, mais simplement un objet dont la limite échappe à sa conception, et qu’en définitive elle ne conçoit pas. En un mot, tout ce qu’elle est obligée d’abandonner, impuissante à le mesurer et à l’embrasser dans sa conception, elle l’appelle infini. Ainsi, de même que la vue a la notion des ténèbres par le fait qu’elle ne voit pas, de même l’imagination a celle de l’infini par le fait qu’elle ne conçoit pas. Elle l’engendre en vertu de la puissance irrésistible qu’elle possède de pousser toujours en avant. [En d’autres termes,] elle le conçoit comme existant en substance, elle ne le conçoit pas en tant qu’infini : ce qu’elle a délaissé comme impossible à parcourir, c’est là ce qu’elle appelle infini. Ainsi donc, supposant donnée en imagination une ligne infinie, comme nous supposons l’existence de toutes les autres figures géométriques, les triangles, les cercles, les angles, les lignes, nous ne devons pas être surpris que la ligne soit infinie pour l’effet (ϰατ’ ἐνέργειαν (kat’ energeian)), et que, tout en restant illimitée, elle puisse s’appliquer à des conceptions limitées. Quant à l’intelligence, source des raisons et des démonstrations, tant qu’elle envisage la science, elle ne fait point usage de l’infini : car la science, absolument parlant, ne peut comprendre l’infini ; en l’admettant par hypothèse, elle ne fait usage