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SIXIÈME ENNÉADE.

demande encore qu’on détermine en quoi consiste leur bonté.

XIX. Remettrons-nous au désir de l’âme le discernement du Bien[1] ? Si nous nous fions à cette affection de l’âme, nous déclarerons que ce qui est désirable pour elle est le bien, mais nous ne chercherons pas pourquoi le bien est désiré. Ainsi, tandis que nous expliquons par des démonstrations quelle est l’essence de chaque chose, nous irions pour la détermination du bien nous en remettre au désir ! Mais une pa-

  1. Plotin paraît combattre ici la définition péripatéticienne du bien, en même temps qu’il essaie de réfuter les objections qu’Aristote adressait à la doctrine de Platon, comme on en peut juger par le passage suivant : « Nous avons, ce semble, à parler du bien. Mais ce n’est pas du bien pris d’une manière absolue ; c’est du bien qui s’applique spécialement à nous… Ce mot de bien n’est pas un terme simple. On appelle également bien ou ce qui est le meilleur dans chaque espèce de chose, et c’est en général ce qui est préférable par sa propre nature ; ou ce dont la participation fait que les autres choses sont bonnes, et c’est alors l’Idée du bien [comme l’enseigne Platon]. Faut-il nous occuper de cette Idée du bien ? Ou devons-nous la négliger et ne considérer que le bien qui se trouve réellement dans tout ce qui est bon ? Ce bien effectif et réel est très-distinct de l’Idée du bien. L’Idée est quelque chose de séparé, et qui subsiste de soi isolément, tandis que le bien commun et réel, dont nous voulons parler, se trouve dans tout ce qui existe. Ce bien-là n’est pas du tout la même chose que cet autre bien qui est séparé des choses, attendu que ce qui est séparé et ce qui par sa nature subsiste de soi ne peut jamais se trouver dans aucun des autres êtres. Faut-il donc nous occuper plutôt de l’étude de ce bien qui se trouve et subsiste réellement dans les choses ? Et si nous ne pouvons pas le négliger, pourquoi devons-nous l’étudier ? C’est que ce bien est commun aux choses, comme nous le prouvent la définition et l’induction. Ainsi, la définition qui vise à expliquer l’essence de chaque chose nous dit de l’une qu’elle est bonne, ou qu’elle est mauvaise, ou qu’elle est de telle autre façon. Or ici la définition nous apprend que le bien (à le prendre d’une manière rigoureuse) est ce qui est désirable en soi et par soi ; et le bien qui se trouve dans chacune des choses réelles est pareil à celui de la définition, » (Aristote, Grande Morale, liv. I, ch. 1 ; trad. de M. Barthélemy Saint-Hilaire, t. III, p. 6.)