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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/513

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SIXIÈME ENNÉADE.

les corps pour eux-mêmes, mais pour la beauté qui reluit en eux[1]. Chaque intelligible est par lui-même ce qu’il est ; mais il ne devient désirable que quand le Bien l’illumine et le colore en quelque sorte, donnant à ce qui est désiré les grâces et à ce qui désire les amours. Dès que l’âme ressent l’influence du Bien, elle s’émeut, elle entre en délire, elle est aiguillonnée par le désir, et l’amour naît en elle[2]. Avant de ressentir l’influence du Bien, elle n’éprouve aucun transport devant la beauté de l’Intelligence : car cette beauté est morte tant qu’elle n’est pas illuminée par le Bien. Aussi l’âme reste-t-elle alors affaissée sur elle-même ; elle demeure froide et engourdie, même en présence de l’Intelligence. Mais dès qu’elle ressent la douce chaleur du Bien, elle prend des forces, elle s’éveille et elle ouvre ses ailes ; et, au lieu de s’arrêter à admirer l’Intelligence qui est devant elle, elle s’élève à l’aide de la réminiscence à un principe plus haut encore [au Premier]. Tant qu’il y a quelque chose de supérieur à ce qu’elle possède, elle monte entraînée par l’attrait naturel qu’a pour elle Celui

    hoc est, ut superno summi boni splendore superfusa. Ut enim quæcunque videntur, non suo tantum nativo colore aut lumine, sed super affulgente solari luce collustrari opus est, ita quæcunque amantur infuso superne summi Boni fulgore vestiri et venustari necesse est, ut non tam ipsa quam emicans in ipsis summum Bonum ametur ; anima autem summi olim Boni deliciis inebriata, veterisque nunc subobscure memor et cupidissima voluptatis, arcano instinctu venatur ejusdem Boni sublucentes in rebus imis radios, et, ubicunque invenit, allambit et osculatur. » (Dogmata theologica, t. I, p. 3.)

  1. Voy. Enn. I, liv. VI ; t. I, p. 98.
  2. Les expressions de Plotin rappellent ici un célèbre passage de Platon : « C’est ici qu’en voulait venir tout ce discours sur la quatrième espèce de délire. L’homme, en apercevant la beauté sur la terre, se ressouvient de la beauté véritable, prend des ailes et brûle de s’envoler vers elle ; mais dans son impuissance il lève, comme l’oiseau, ses yeux vers le ciel ; et négligeant les affaires d’ici-bas, il passe pour un insensé. » (Phèdre, trad. de M. Cousin, t. VI, p. 56.)