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LIVRE SEPTIÈME.

Vie première portent la forme du Bien ; c’est à ce titre seul qu’elles sont désirables : elles portent la forme du Bien sous ce rapport que la Vie première est l’acte du Bien, ou plutôt l’acte qui procède du Bien, et que l’Intelligence est cet acte déjà déterminé. Elles sont pleines d’éclat, et l’âme les recherche parce qu’elles viennent du Bien ; cependant, si l’âme aspire à elles, c’est parce qu’elles lui sont propres, ce n’est pas qu’elles soient des biens par elles-mêmes. D’un autre côté, l’âme ne saurait les dédaigner, parce qu’elles portent en elles la forme du Bien : car lorsqu’une chose nous est seulement propre, qu’elle n’est pas en outre un bien, nous pouvons la dédaigner[1]. Nous nous laissons attirer il est vrai par des objets éloignés et inférieurs ; nous éprouvons même pour eux un amour passionné ; mais c’est lorsqu’ils ne sont pas seulement ce qu’il est dans leur nature d’être, et qu’ils y joignent encore quelque perfection qui leur vient d’en haut. De même que les corps, tout en contenant une lumière mêlée à leur substance, ont cependant besoin d’être éclairés par une autre lumière pour que leur couleur devienne visible[2], de même les intelligibles, malgré la lumière qu’ils contiennent, ont besoin de recevoir une autre lumière plus puissante afin de devenir visibles soit pour eux-mêmes, soit pour d’autres êtres.

XXII. Quand l’âme aperçoit la lumière que le Bien répand ainsi sur les intelligibles, elle se porte vers eux, et elle éprouve une jouissance délicieuse en contemplant la lumière qui les revêt[3]. De même ici-bas, nous n’aimons pas

  1. Plotin fait ici allusion à un passage de Platon : « Ce n’est pas ce qui est nôtre que nous aimons, je pense ; à moins que l’on n’appelle sien et personnel tout ce qui est bon, et étranger tout ce qui est mauvais : car ce qu’aiment les hommes, c’est uniquement le bon. » (Banquet, trad. de M. Cousin, t. VI, p. 305.)
  2. Voy. Enn. IV, liv. V, § 7 ; t. II, p. 422.
  3. Le P. Thomassin cite ce passage et le commente en ces termes : « Quin imo quidquid amant animæ, seu mentem, seu sapientiam, etc., ut bona amant,