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SIXIÈME ENNÉADE.

aimer. Pourquoi la beauté brille-t-elle de tout son éclat sur la face d’un vivant, et n’en voit-on après la mort que le vestige, alors même que les chairs et les traits ne sont pas encore altérés ? Pourquoi, entre plusieurs statues, les plus vivantes paraissent-elles plus belles que d’autres mieux proportionnées ? Pourquoi un animal vivant, fût-il laid, est-il plus beau qu’un animal en peinture, ce dernier eût-il d’ailleurs une forme plus parfaite ? C’est que la forme vivante nous paraît plus désirable, c’est qu’elle a une âme, c’est qu’elle est plus conforme au Bien ; c’est enfin que l’âme est colorée par la lumière du Bien, qu’éclairée par lui elle en est comme plus éveillée et plus légère, et qu’à son tour elle allége, elle éveille et fait participer du Bien, autant qu’il en est capable, le corps dans lequel elle réside.

XXIII. Puisque c’est ce Principe que poursuit l’âme, qui illumine l’Intelligence, et que la vue d’une simple trace de lui nous cause tant d’émotion, il ne faut pas s’étonner s’il possède la puissance d’attirer à lui les êtres, et si tous se reposent en lui sans chercher rien au delà. Si tout en effet procède de ce principe, il n’y a rien de meilleur que lui, et tout est au-dessous de lui. Or, comment le meilleur des êtres ne serait-il pas le Bien ? Si le Bien doit se suffire pleinement à lui-même, n’avoir besoin de rien autre, que pourrait-il être si ce n’est Celui qui était ce qu’il est avant toutes les autres choses, quand le mal n’existait pas encore ? Si les maux lui sont postérieurs, s’ils ne se trouvent que dans les objets qui ne participent en rien du Bien et qui occupent le dernier rang, s’il n’existe enfin aucun mal dans les intelligibles, et s’il n’y a rien de pire que le mal [comme il n’y a rien de meilleur que le Bien], les maux sont en opposition complète avec ce principe, sans qu’il y ait entre eux aucun intermédiaire. Ce principe est donc le Bien : car, ou le Bien n’existe pas, ou, s’il existe nécessairement, il est ce principe et il ne saurait être rien d’autre. Pour nier l’existence du Bien, il faudrait nier aussi celle du mal ; il en résul-