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LIVRE SEPTIÈME.

terait qu’il serait indifférent de préférer telle chose à telle autre ; or cela est impossible. Toutes les autres choses qu’on nomme des biens se rapportent à lui, tandis que lui il ne se rapporte à rien[1].

Si telle est la nature du Bien, qu’a-t-il fait ? — Il a fait l’Intelligence, il a fait la Vie ; il a fait par l’intermédiaire de l’Intelligence les âmes et tous les autres êtres qui participent à l’intelligence, ou à la raison, ou à la vie. Quant à Celui qui est leur source et leur principe, qui pourrait exprimer quelle est sa bonté ? — Mais que fait-il maintenant ? — Il conserve ce qu’il a engendré, il fait penser ce qui pense, il fait vivre ce qui vit, il envoie aux êtres par son souffle[2] et l’intelligence et la vie, tout au moins l’existence, quand ils ne peuvent recevoir la vie.

XXIV. Et que fait-il pour nous ? — Pour répondre à cette question, il faudrait expliquer encore quelle est la lumière dont l’Intelligence est illuminée et à laquelle l’Âme participe. Mais, remettant à plus tard la discussion de ce point, il vaut mieux examiner d’abord les questions suivantes : Le Bien est-il bien et reçoit-il ce nom parce qu’il est désirable pour quelque être ? Ce qui est désirable pour un être est-il le bien de cet être, et ce qui est désirable pour tous les êtres est-il ce que nous appelons le Bien ? Être désirable n’est-il pas plutôt un simple caractère du Bien, et ne faut-il pas que ce qui est désirable ait une nature telle qu’il mérite le nom de Bien[3] ? En outre, les êtres qui désirent le Bien le désirent-ils parce qu’ils reçoivent de lui quelque chose ou

  1. Cette phrase a été développée en ces termes par Salluste (Des Dieux et du Monde, chap. V) : « Si les êtres existaient seulement et qu’ils ne fussent pas bons, cette raison serait vraie. Mais si c’est par la bonté que les êtres existent, si de plus ils participent au bien, il faut absolument que le Premier soit à la fois et supérieur à l’essence et bon par excellence. »
  2. Voy. une expression analogue ci-dessus Enn. V, liv. I, § 2, p. 5, note 2.
  3. Voy. ci-après § 25, p. 458.