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SIXIÈME ENNÉADE.

nous pose : « Quel fruit recueillera celui qui a l’intelligence nécessaire pour acquérir un de ces biens [tels que l’existence et la vie], si, en les entendant nommer, il n’en est pas frappé parce qu’il ne les comprend pas, soit qu’il n’entende que des mots, soit qu’il regarde chacune de ces choses comme tout autre [que nous ne l’affirmons], soit qu’il cherche le bien et le fasse consister dans un objet sensible, les richesses par exemple, ou quelque autre objet de ce genre ? » — Nous répondrons à celui qui tient un pareil langage que, lorsqu’il méprise ces choses [l’existence et la vie], il reconnaît par là implicitement qu’il y a en lui un certain bien, mais que, sans savoir en quoi il consiste, il n’en juge pas moins de ces choses d’après la notion qu’il a du bien : car il est impossible de dire : « Cela n’est pas le bien, si l’on n’a aucune espèce de connaissance et de conception du bien[1]. Celui qui tient un pareil langage indique peut-être par une espèce de divination que le Bien en soi est au-dessus de l’intelligence. En outre, si en considérant le Bien en soi ou le bien qui en approche le plus il ne le discerne pas, il arrivera du moins à le concevoir par les contraires ; sans cela, il ne saura même pas que le défaut d’intelligence est un mal, quoique tout homme désire être intelligent et se glorifie de l’être, comme on le voit par les sensations qui aspirent à devenir des notions. Si l’intelligence, et surtout l’Intelligence première, est belle et vénérable, quelle admiration ne ressentirait donc pas celui qui pourrait contempler le principe générateur, le Père de l’Intelligence[2] ? Par consé-

  1. « Ce bien que toute âme poursuit, en vue duquel elle fait tout, ce bien dont elle soupçonne l’existence, mais avec beaucoup d’incertitude, et dans l’impuissance de comprendre nettement ce qu’il est et d’y croire de cette foi inébranlable qu’elle a en d’autres choses, d’où il résulte que toutes ces autres choses qui pourraient lui servir sont comme perdues pour elle ; etc. ». (Platon, République, liv. VI ; trad. de M. Cousin, t. X, p. 49.)
  2. « Le Fils a une parfaite analogie avec le Père. Ce que le Bien